samedi 28 février 2009

Étourdi

Travailler à la semaine longue devant un ordinateur est absolument nocif pour la santé. Pour pallier à l'inactivité forcée par le travail, je prend les escaliers au lieu de l'ascenseur (le plus souvent possible, donc une fois sur deux, principalement en descendant) et j'essaie de diriger mes yeux sur un livre plutôt que sur l'écran dans les moments d'accalmie. Minces consolations, me direz-vous.


Mais la vie étant ce qu'elle est, la facilité est toujours à portée de main et qu'au lieu d'élever mon âme en m'avançant dans la lecture de romans noirs et violents, je reste collé à l'écran en attendant comme un imbécile la nouvelle niaiserie d'un ami sur fessebook ou en lisant les trois kilomètres de commentaires des Bob Gaineys en herbe sur le blogue de François Gagnon.


Et comme je suis assez nul (ou que je manque tout simplement d'intérêt) pour la recherche de perles de divertissement sur les internets, je me retrouve toujours à tourner en rond. Et voilà quelques semaines que je m'étourdis sur ce magnifique blogue dédié à l'iconographie vintage et aux starlettes de la belle époque en particulier. Le tenancier du blogue semble être un vieux chiâleux avec qui ça doit être un charme de s'asseoir et de prendre quelques bières en parlant du bon vieux temps (SON vieux temps), tranquilles dans son salon qui doit être rempli de cochonneries ramassées au fil des années.


C. Parker, qu'il s'appelle, et il trippe sur les brunettes. Je pense qu'on s'entendrait bien, lui et moi. Son site propose des entrées quotidiennes sur des sujets de son choix. Bon, le sujet est plus souvent qu'autrement les beautés d'époque et il nous trouve un peu partout plein de photos superbes, principalement tirées de vieux films, de magazines ou de dieu sait où encore.



Et en plus de ça, des histoires ici et là de vieux grincheux passionné avec une sale attitude. Avec plus de 1000 entrées (sans compter les liens vers d'autres sites, y'a de quoi tourner en rond, s'étourdir, sacrer le camp à terre, se relever pis recommencer.) Et moi ça me fait penser que tant qu'à faire l'étourdi, je pourrais bien profiter de mon temps-libre payé pour écrire plus souvent ici, avec le nouveau décor pis toutte.
C'est beau, hein?

Quoiqu'il en soit, voici le lien:
http://www.starletshowcase.blogspot.com/


Et voici une mise en appétit:

















Pas pire, pas pire.

samedi 21 février 2009

Le roman noir américain, de Alain Lacombe


10/18, 1975, 188 p.

Partant du fait que le roman noir a toujours été un genre motivé par des intentions largement populaires, l’idée d’un essai théorique et hermétique sur le sujet pose quelques réticences. Bien sûr, ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se présente. Il y aura toujours des universitaires chevronnés pour foutre leur nez là où on n’a pas besoin d’eux. Quoiqu’il en soit, la lecture de ce livre m’a confirmé une chose que je savais déjà. Je suis un lecteur de romans.

J’avais quand même le désir d’approfondir ma connaissance et ma compréhension du sujet. Pas plus fou qu’un autre, je suis bien capable de m’envoyer un ouvrage sérieux de temps en temps. Mais faut-il absolument qu’il soit pénible du même fait? Je garde la conviction que non.

Lacombe n’a pas encore commencé son livre qu’il part avec un point en moins.
Il est Français.
Loin de moi l’idée de cracher à la figure des Français, mais le fait est qu’il reste toujours un drôle d’arrière goût lorsque les Français traitent, comme ici, d’un sujet profondément américain. Ce qui amène l’auteur à traiter de « l’homme américain » comme d’une bête sous observation. On sait tous que les Europes on plus d’histoire que les Amériques, mais est-ce que ça permet a l’Européen à considérer l’Américain comme un cas clinique? Forcément, il y a peut-être une question d’époque derrière tout ça. Écrit en 1975, ce livre paraîssait trop peu de temps après le déclin du genre, à mon avis, pour en faire un portrait fiable. Peut-être aussi que les Européens et les Américains n’avaient pas encore pris le temps de se connaître comme du monde.

Je m’attendais à trouver une étude explicative sur le genre, j’y ai trouvé principalement des fabulations approximatives empreintes de mythologie et d’interprétations navrantes propres aux ouvrages dits sérieux. Et toujours avec le mot « mythe » écrit entre guillemets. Désolé, mais dans des cas comme ça, il m’est impossible de ne pas voir à chaque fois Chris Farley à Saturday Night Live qui parle en mettant des mots entre guillemets, tout en ayant étonnament chaud.

Bien sûr, y’a quand même du bon dans tout ça. Même que je me suis muni d’un crayon, pour noter les bons passages. Crayon que j’ai malheureusement oublié entre de trop nombreux baîllements et froncements de sourcils. Notons tout de même les deux dernières parties, sur la place de la femme dans le roman noir, ainsi que sur l’influence du roman noir sur le cinéma, où les fantasmes interprétatifs de l’auteur ont été mis de côté pour faire place aux faits. Très intéressant.

Mais dans la plus grande partie du livre, tout plein de choses que je savais déjà et que je n’avais tout simplement jamais osé mettre en mots indigestes.

Tout ça pour dire qu’il vaut mieux lire une vingtaine de romans noirs et comprendre par soi-même ce que nous dit ce livre. Ça risque d’être moins long et pénible en plus d’être divertissant.

Je ne désepère quand même pas de lire un ouvrage sérieux sur le genre. Si vous avez des idées, tenez-moi au courant. En attendant, je m’en retourne lire des romans.

vendredi 20 février 2009

Cotton Point, de Pete Dexter





















(Paris Trout, 1988)
De l’Olivier, 1998, 359 p.

Je commence à le voir venir. Avec Cotton Point que je viens de terminer, il ne me restera qu’Un amour fraternel à lire, et j’en aurai fini de Pete Dexter. Ce qui n’annonce rien de bon. Ça m’a fait le coup avec John Fante. Je ne suis pas du genre à me clencher d’un coup l’œuvre complète d’un auteur, je suis plutôt polygamme à ce niveau-là. Les auteurs que j’aime vraiment, je me les garde et les repousse en me disant Oh mon Dieu que ça va faire mal quand je vais tomber dedans. Mes auteurs favoris, je les lis souvent pour me redonner foi, pas tant en la littérature que foi en le plaisir de lecture. Ces gars-là viennent m’épauler quand j’ai été assez con pour lire un mauvais livre.

Mais quand on a passé au travers de ces gars-là, on fait quoi? On s’en trouve un nouveau, vite de même? Come on. La relecture, je veux bien, mais y’a tellement de nouvelles affaires à lire tout le temps… Je vais bien trouver moyen, mais en attendant, il m’en reste un à lire.

Sérieusement, je n’ai même pas envie de vous raconter l’histoire de ce livre. On s’en fout. On s’en fout pas vraiment, là, c’est une sale histoire, noire, violente et dérangeante (comme tous les Dexter, tout le temps), mais l’important ici, c’est que vous preniez ce nom en note, que vous vous rendiez dans votre librairie favorite (allez-donc voir mon amie Maude à l’Écume des Jours, elle a lu Dexter et pourra vous en parler avec enthousiasme), que vous fassiez attention à ne pas confondre Pete Dexter et les romans de la série Dexter écrits par Jeff Lindsay (c’est con, mais vous n’avez pas idée du nombre de fois que ça a pu arriver) et que vous passiez une commande spéciale, parce que c’est clair qu’ils n’en ont pas en magasin, à part peut-être Train, qui fait l’objet d’une réédition en poche dans la collection Points Noir (respect de cette nouvelle collection, superbe choix de titres, superbe présentation, mais come on le nom!). Et tant qu’à faire, quand vous passerez votre commande, mettez-y un John Fante du même coup. N’importe lequel, à part peut-être La Route de Los Angeles qui est pas mal plus faible. Et là, vous lirez ces auteurs, vous tomberez dedans en voulant que ça ne finisse jamais, et quand on se verra, on n’aura rien à se dire, on se posera une main sur l’épaule en acquiesçant, et tout sera dit en un seul regard.

Merde, je peux pas être tout seul à lire ces auteurs-là. Aidez-moi un peu.

lundi 9 février 2009

Monsieur Zéro, de Jim Thompson



(The Nothing Man, 1954)
Gallimard, Folio Policier, 2007 (trad. 1966), 274 p.

J’ai ressorti un Thompson qui traînait depuis longtemps sur les tablettes dans le but de me recentrer sur l’essence du roman noir. Mes critiques à la revue Alibis me faisant lire que des nouveautés à tour de bras, un petit retour aux classiques s’impose de temps à autres.

Pour ceux qui ne connaissent pas Jim Thompson, disons qu’il est probablement l’une des icones du roman noir moderne, avec une œuvre écrite dans les années cinquante à soixante-dix. Il purge une vie difficile qu’il met en scène dans ses romans, où, la plupart du temps, des gens normaux se retrouvent dans une merde pas possible qui dégénère souvent dans un tourbillon (oui oui, un tourbillon) de violence et d’alcool. Pas de série pour Thompson. Au lieu de reprendre les mêmes personnages, procédé cher à la plupart des auteurs de noir et de policier, il consacre chacun de ses livres à des individus différents, comme pour étendre son portrait le plus large possible. La merde, elle est partout, elle touche tout le monde.

Monsieur Zéro est le quatrième Thompson que je lis, et le deuxième qui me décoive. Ça me brise le cœur de dire ça. Je voulais que Thompson soit mon port d’attache, qu’il soit l’équivalent de John Fante en littérature noire, c’est-à-dire un auteur vers lequel je puisse toujours me tourner en cas de besoin et qui ne me décevra jamais. J’avais déjà soulevé le point dans ma critique sur Le lien conjugal, qui n’était pas mauvais, mais quand même décevant en bout de compte. Et voilà que je me réessaie et que je frappe le même mur.

L’histoire est classiquement Thompson. Brownie, le zéro en question, tue sa femme de qui il n’arrive pas à obtenir le divorce. Du moins croit-il la tuer. Il l’assomme avec sa bouteille, l’asperge de Whisky et lui met le feu avant de se sauver. Il tuera ensuite son amante, qui alaissé entendre qu’elle avait deviné le meurtre. Il lui casse le cou et la jette aux chiens. Puis il tue ensuite… Bon. Vous voyez le topo. L’idée, c’est que Brownie est un alcoolique notoire, beau parleur, vétéran de la guerre qui bénéficie d’indemnités sans que personne ne sache pourquoi (il a perdu ce qui lui permet d’honorer son rôle de mari), et surtout, qu’il n’arrive pas à achever correctement aucun de ses meurtres. Ami du shériff, il réussit à mettre ce dernier sur d’autres pistes pour l’enquête. Mais franchement, je n’ai pas réussi à déterminer si le shériff Stukey n’était qu’une pauvre cloche, ou bien s’il avait vu clair dans le jeu de Brownie et cherche à trouver d’autres avenues. Je dis que je n’ai pas compris, mais bon, à la fin j’ai compris. C’est juste que le reste est flou.

Le déroulement de l’histoire n’est pas sans intérêt pour autant. Quand il voit que ça dérape et que d’autres sont inculpés à sa place, Brownie plaide coupable au shériff Stukey et lui explique chacun de ses meurtres. Cependant, comme il a salopé le boulot dans chacun des cas, il n’y a aucun moyen de déterminer si les victimes sont réellement mortes des intentions de Brownie. Au pire, il pourrait écoper de peines pour agression.

L’idée est très intréressante, mais mal traitée. Beaucoup trop de dilalogues, dont une grande quantité se terminent en… pour maintenir le suspense, un moment donné, ça tape. Mais à noter toutefois, la délirante scène du dîner chez Dave et Kay Randall, que Brownie déteste profondément. Un chef-d’œuvre de méchanceté. Mais pour avoir une bonne idée du cynisme de Thompson, vous pouvez lire 1275 âmes, un petit chef-d’œuvre avec une thématique qui ressemble sensiblement à ce roman-ci. J’ai vu dernièrement l’excellente adaptation cinématographique de Betrand Tavernier intitulée Coup de Torchon, avec Philippe Noiret et Isabelle Hupert, et ça tient toujours la route.

Je ne désespère pas de Thompson pour autant, mais je vais me documenter avant le prochain. Il ne faut pas perdre l’idée que l’époque où Thompson a œuvré reste l’âge d’or du roman noir et que les auteurs produisaient à la tonne. Pas étonnant qu’il y ait une fausse couche de temps en temps. Je ne sais pas si c’est une impression ⎯ et j’aimerais qu’on me tienne au courant si quelqu’un a la réponse ⎯ mais j’ai le sentiment que les livres de Thompson publiés chez Rivages sont drôlement plus noirs et violents, alors que ceux chez Gallimard sont plutôt légers. Est-ce que je me trompe?
Quoiqu’il en soit, Thompson vaut la peine, ne perdez jamais ça de vue. Lisez 1275 âmes, et on s’en reparle après.