mercredi 24 mars 2010

Spooner, de Pete Dexter


Grand Central Publishing, 2009, 469 p.

Il m’aura donc fallu quatre mois. De toute ma vie, la seule fois où je me rappelle avoir pris aussi longtemps avant de terminer un livre, j’avais fini mes études littéraires et j’avais un sérieux besoin de prendre mes distances avec la lecture, si je voulais un jour relire dans ma vie.

Mais là, je suis loin d’être en chicane avec la lecture. Qui plus est (c’est un de mes profs de littératures qui disait ça, et il niaisait pas), il s’agit ici de mon auteur favori, de son tout nouveau livre (quoiqu’il s’en vient de moins en moins nouveau), livre que j’ai adoré.

Je me suis déjà justifié de la sorte auparavant et je le ferai encore. Si je lis moins, c’est que j’écris plus et que je joue plus de musique. Et qu’ayant récemment laissé mon travail de jour, il n’y a plus ce trajet de métro qui me permettait d’atteindre un certain quota de pages lues par jour. Encore que dans le métro, y’a les belles filles qui t’empêchent d’atteindre ton quota.

Mais hey, j’en ai une autre, raison. Ce Spooner, de Pete Dexter, est mon premier vrai gros livre anglais que je termine. J’avais bien déjà sélectionné quelques auteurs pour leur langage simple et leurs petits livres, mais là, un livre solide, avec du vrai anglais dedans, des traits d’esprit, des réflexions poussées, des jeux de mots, tout’ le kit.

J’ai pas tout compris, mais j’ai tout lu. Et je pense bien en avoir assez compris pour vous en jaser un peu.

Alors, ceux qui sont ici pour la première fois, Bienvenue. Les autres, vous avez probablement déjà idée de l’admiration que je porte à Pete Dexter. Un écrivain de romans noirs, cynique, sensible, sournois, violent et hilarant. Celui qui parviendra à le déloger du podium de mon cœur (je viens de dire ça,moi là?) aura quelque chose de salement solide à proposer.

Quoiqu’il en soit, il commence à être vieux, Dexter. J’espère qu’il est en forme. Il a l’air, en tout cas. Et Spooner, c’est pas un roman noir, mais un roman. Un roman qui raconte toute une vie, celle de Spooner, et dans lequel on sent que le bonhomme, s’il n’est pas en train de régler des cas, jette du moins un regard en arrière aux trente secondes, pour s’assurer que tout est correct.

Je vous le cacherai pas, étant donné que j’ai commencé ce livre-là à la mi-novembre, je serais bien en mal de vous resituer l’histoire dans les moindres détails. D’autant plus que j’ai pas tout compris, c’est en anglais, vous vous rappelez.

Mais je me rappelle une scène funéraire maritime, au tout début, où l’on met un cercueil à l’eau afin qu’il rejoigne les profondeurs. Seulement, on a oublié de percer le cercueil et la boîte flotte et s’éloigne du bateau, vers le large. C’est trop risqué de mettre une barque et des hommes à l’eau pour régler le problème, alors la décision est prise de tirer sur le cercueil, pour le faire couler. Le cercueil explose en morceaux, la veuve pleure et le lecteur rit, rit, rit et pleure un peu aussi, mais pas pour les mêmes raisons.

Spooner, il est maladroit, dans la lune, malchanceux et surtout, ses trois frères et sœurs sont de sérieux génies. Ça ne l’empêchera pas de vivre sa vie, devenir journaliste, rencontrer Miss Spooner, avoir un enfant et se trouver une maison sur une Île pour vivre tranquille. C’est là qu’on se dit tiens, le bonhomme Dexter se fait une rétrospective de sa vie.

(Si vous lisez l’excellent « Paper Trails : True stories of confusion, mindless violence and forbidden desires, a surpising number of wich are not about marriage. » qui se trouve à être un recueil des meilleurs textes journalistiques de Dexter, qui était principalement éditorialiste pour le Philadelphia Daily News, on en apprend beaucoup, beaucoup sur sa vie. Pensez à Foglia, une coche plus drôle.)

Raison pour laquelle je doute que Spooner soit la meilleure introduction à l’œuvre de Dexter. Vous pouvez bien sauter là-dessus en premier si vous le voulez et y’a pas à dire, vous allez avoir du plaisir, mais vous risquez de passer à côté de certains points. Mais si vous avez lu God’s Pocket, par exemple, vous retrouverez en version allongée le fameux passage à tabac que Dexter et son ami boxeur se sont fait servir dans un bar du Devil’s Pocket, un quartier ouvrier de Philadelphie, où les deux pauvres se sont rosser par un groupe de locaux armés de bâtons de baseball et de barres de fer. Événement décisif dans la vie de Dexter, alors journaliste qui s’était un peu trop pas mêlé de ses affaires, et qui l’a contraint à laisser sa carrière de journaliste pour devenir écrivain. D’un certain point de vue, on remercie ses agresseurs.

Sinon, le livre est peut-être un peu décousu. Touchant et toujours intéressant, certes, mais quand même décousu. Remarquez, si vous le lisez en deux semaines, vous en aurez peut-être un autre opinion. Ma lecture, très certainement, était plutôt décousue.

Alors voilà, je termine ici sans rien vous avoir dit de l’histoire. Mais bon, comme dit Djian, l’histoire n’est qu’un prétexte. Ce qui compte vraiment, c’est le style. Et moi je vous dit Lisez Dexter. Vous me paierez une bière plus tard. Je suis patient.

dimanche 21 mars 2010

Le Jour des poubelles, chapitre 20


Paré gardait le joint beaucoup trop longtemps, mais je préférais éviter de lui dire de se presser. Il était particulièrement émotif et pour rien au monde ni Lou ni moi ne voulions bousculer son état d’esprit. Nous regardions le soleil prendre son envol, appuyés au pare-choc de la voiture. Lou avait fait à Paré quelques caresses réconfortantes dans le dos, puis il l’avait prise dans ses bras, l’avait enlacée avec fermeté, assez fort et longtemps pour qu’elle en vienne à rouvrir les yeux et me faire des signes afin que j’intervienne.
Bien sûr, je n’en fis rien.

Il avait fini par s’ouvrir, à propos de ses histoires de couple. En fait, ça allait beaucoup plus loin que le couple. Leur union était déjà fébrile, tenait avec de la broche, comme il disait. C’était un autre de ces couples qui restaient ensemble à défaut de se remettre en question. Ils continuaient bon an mal an, faisant leur activités chacun de leur côté, baisant une ou deux fois par mois et se présentant aux fêtes de famille comme un couple fort et uni qui avait déjà son avenir tout dessiné. Seulement, il n’avait pas cru bon l’avertir quand il avait perdu son emploi à la poste. «Quoi? J’ai dit. T’as perdu ta job?
⎯ Ouin.
⎯ Depuis quand?
⎯ Un peu avant qu’on se voie la première fois, là…
⎯ T’es en train de me dire que du temps qu’on s’est connu, t’as jamais été facteur?
⎯ Pas vraiment, non. Un peu.
⎯ Kess-tu veux dire par là?
⎯ Ben… que je continuais ma run pareil. Mais tsé, juste les clients payants.» Petit sourire d’innocent.
Je m’étais éloigné de la voiture, pour éviter de faire du mal à qui que ce soit. C’était un mensonge futile que Paré m’avait servi, mais un mensonge quand même. Qui sait combien de surprises il nous réservait encore? Je m’en voulais soudainement d’être parti sur un coup de tête avec cet imbécile, en plus d’avoir embarqué ma meilleure amie dans l’histoire. Meilleure amie qui, soit dit en passant, jetait beaucoup plus son dévolu sur le menteur que sur moi.
Puis j’avais arrêté de bouder pour entendre le reste de l’histoire. Paré avait fait croire à sa blonde qu’il travaillait toujours et se faisait de l’argent avec ses ventes de coke. Argent qu’il réinvestissait aussitôt dans sa business avec la folle idée que tout allait comme sur des roulettes, qu’il parvenait à berner tout le monde et qu’il se remettrait inévitablement sur pieds sous peu. Mais son jeu avait vite été déjoué et sa blonde s’était rendue compte que Paré n’avait plus un sous en poche. Et elle l’avait jeté à la rue. Tout simplement. « Mais je pense que je suis pas fait pour vivre dans’rue.
⎯ Paré, y’a personne qui est fait pour vivre dans la rue.»
Clairement que Lou se découvrait une vocation d’aide sociale.
«Fait que là, Paré, théoriquement, t’habites où?
⎯ Bah, dans mon char, pas mal…
⎯ Elle a pas sacré tes affaires dehors?
⎯ Ça doit pas. Je suis passé devant l’appart à tous les jours pis toute avait l’air ben beau. Mais tsé, justement, à c’te sujet là…»
Je sortis mon paquet pour m’allumer une cigarette. Mon instinct me dictait de me garder les mains occupées pour les prochaines minutes. J’allumai et me rendis compte que j’avais entre les lèvres un de mes nombreux joints pré-roulé. Ce n’était pas plus mal. Je redonnai mon attention à Paré. «… je me demandais… si je pouvais crécher chez vous pour un p’tit boutte…»
Je soupirai un coup et m’appuyai contre la voiture. Je levai les yeux vers les chutes, le soleil était maintenant en plein service. La place commençait à se remplir. J’essayais fort de trouver une approche diplomate pour refuser la demande de Paré, mais j’étais loin d’avoir les idées claires. «Ben là, je sais pas… t’as pas d’autres options plus cool? Tsé, c’pas ben grand, chez nous…
⎯ Tous mes autres amis ont des blondes pis toutte. Ça me tente pas trop de me taper ça. Je me ferais tout petit…»
Je lui lançai un regard l’enjoignant de ne pas se payer ma gueule. C’est le moment que Lou choisit pour nous faire part d’une idée d’enfer. « Mais vous avez pas un petit appart au sous-sol chez vous, juste à côté de ton atelier?»
Les yeux de Paré s’éclaircirent tandis que les miens transperçaient Lou. «Il est pas habitable. On a pas fini de le rénover. Pis on est pas à la veille de le finir.
⎯ Mais ça me dérange pas, dit Paré. Je peux m’arranger avec pas grand chose, tu sais…»
Je passai le joint en cherchant à faire dévier la conversation. J’étais pris dans un cul-de-sac. «Je suis pas le seul à devoir donner mon approbation là-dessus, vous le savez bien.
⎯ Mais c’est déjà une partie du chemin de fait, me dit Lou.
⎯ Je pourrais vous aider à le rénover.
⎯ Pis c’est pas comme si ça vous privait d’une rentrée d’argent. La place sert pas de toute façon.»
Je venais de perdre l’exclusivité de ma meilleure amie.


Je me dirigeai vers les chutes après avoir récupéré le joint. Je donnai un coup de pied en direction d’une corneille qui restait là devant moi à m’observer et faillis perdre pied. Je me rattrapai comme je pus et me rapprochai de la balustrade.
Qu’est-ce que je pouvais bien faire avec ça? Somme toute, Paré n’était encore qu’un inconnu. Un pauvre type qui débarque dans ma vie, d’une très charmante façon, il n’y a pas à dire, qui conte deux-trois blagues en faisant quelques stepettes le temps de se faire aimer, puis qui disparaît sans un mot, en plus d’avoir menti. Et maintenant, je serais un salaud de ne pas l’héberger. Malgré tout, l’idée m’était venue presqu’aussitôt de lui confier le contrat de rénovation du bachelor, s’il voulait l’habiter. Dans les deux dernières années, mon père, mes frères et moi avions systématiquement rénové chacun de nos trois appartements, si bien que nous avions préféré baisser les bras une fois rendus au sous-sol. Eddie s’y était mis tout seul alors que Carlos et moi avions refusé, n’y voyant aucune presse. Et voilà qu’un frisson me reprenait en pensant à mon père.

Je jetai le mégot dans le gouffre alors que des touristes me regardaient d’un œil accusateur. Je retournai vers la voiture qui, les portes grandes ouvertes pour l’aération, avait l’air d’un immense oiseau prêt à se jeter sur moi. « Pis? me demanda Lou.
⎯ Ben là, je vous ai dit que j’étais pas tout seul là-dedans.
⎯ Fait que c’est oui?
⎯ Hey! J’ai pas dit ça!
⎯ Tu sais ben que ça les dérangera pas…
⎯ On fait quoi, là? J’ai faim.
⎯ Mets-en, dit Paré. Faut luncher au plus crisse.
⎯ On mange, pis on sacre notre camp. On a vu ce qu’on avait à voir.»






«Man, j’ai tellement faim, je pense que je me taperais deux trios Mcmuffin, dit Paré, dans la file du service à l’auto du Tim Horton’s.
⎯ Ah oui, je me prend ça moi aussi.
⎯ Gang de cochons dit Lou. Juste un pour moi, ça va faire l’affaire.
⎯ Heille, mais ça me tente pas de commander en anglais, par exemple.
⎯ Ben là, Paré, y’a rien là. Cinq trios Mcmuffin, mais en anglais. Facile.
⎯ Je le sais que c’est facile, ça me le tente juste pas, que j’ai dit.
⎯ Ben tu vas le faire pareil, coudonc. Avance-toi, c’est à nous-autres.
⎯ Heille, fit Lou, mais les Mcmuffins, c’est au McDonald’s, pas au Tim Horton’s…
⎯ Ahhhhh fuck! Comment ça s’appelle icitte? Y’en a-tu?
⎯ Hi, welcome to Tim Horton’s. May I take your order?»

Pris de court, Paré serrait le volant à deux mains, et regardait devant lui les yeux grands ouverts dans un air de panique. « Excuse-me? Hello? May I take your order?
⎯ Eehhhh…
⎯ Hello? Your order please?
⎯ Euh… Dozen of Donuts, please.
⎯ Wich kind?
⎯ Oh! Eeeeeh, hmmmm, eehhh, …chocolate…
⎯ All chocolate????
⎯ Yes, hall chocolate.»

lundi 15 mars 2010

Le jour des poubelles, chapitre 19


Il était onze heures du matin et je préparais à Lou - qui se prélassait à la fenêtre, un café à la main - un petit déjeuner comme elle les aime. Croissant œuf, jambon, fromage, avec des patates en boîte que j’avais fait revenir avec du beurre et du parmesan, pour le croquant. Je pouvais faire tout ça sans aucun ménagement, Paré dormant avec passion sur le futon du bureau, ronflant, grinchant et, eeh, pétant. « Il va bien rester là deux jours, si on fait rien avec, lança Lou.
⎯ C’est ben correct de même, pas de trouble avec ça.
⎯ Manu…
⎯ Voyons-donc, j’ai pas raison? Qu’il disparaisse deux mois, c’est son affaire. Mais qu’il débarque chez nous après, je veux ben, mais faudrait pas qu’il s’attende au traitement royal. Il viendra pas me faire chier chez nous certain.
⎯ Pauvre petit minou, c’est parce que tu l’aimes pis que tu t’es fait du mauvais sang pour lui…
⎯ Lou, come on…
⎯ P’tit minou, p’tit minou…»

J’ai vite fait de descendre chez Eddie, en quête d’informations sur le père. Il m’accueillit en robe de chambre, la mine atterrée. « Y veut toujours rien savoir, Manu. M’man m’appelle pis me tient au courant, mais elle a jamais rien de nouveau à dire. Il se repose, passe des tests, j’ai le feeling qu’y vont le garder un petit bout.
⎯ Pis si on y allait pareil?
⎯ Uh uh. Pas question de se faire faire une scène à l’hôpital. Tu le vois-tu s’énerver pis se répéter une crise? Laisse-faire. Il est avec sa femme, c’est déjà beaucoup.
⎯ Ça serait elle qui aurait fait une scène s’il lui avait fait de l’attitude.
⎯ Mets-en. Mais je garde mon cell allumé, je te tiens au courant aussitôt qu’y se passe de quoi.
⎯ Le vieux crisse.
⎯ Yep.
⎯ Le vieux con de crisse de boqué de marde du câlisse.
⎯ Manu… ça te mènera à rien, ça.
⎯ Ça amène à rien non plus d’attendre pis d’être fin. Fait que je vais me choquer, ça va mieux passer.
⎯ Bon… Pis toi, ça a brassé hier, on dirait.
⎯ Ouin. Y’a encore une épave sur ton futon, si tu veux savoir.
⎯ Un gars ou une fille?
⎯ Je laisserais jamais dormir une fille là-dessus. À moins qu’il y en ait déjà deux dans mon lit.
⎯ C’est-tu ton grand tata?
⎯ Il est pas à moi, le tata.»

Lou et moi sommes allés passer notre samedi après-midi au cinéma et l’avons terminé dans un bar. Aucun de nous deux n’avait vraiment envie de boire, mais nous l’avons fait quand même, comme pour conjurer le sort. J’avais spécifié à Lou de façon très stricte que je ne voulais pas entendre parler de mon père, ce vieux con. Elle accéda à ma demande, mais je ne m’empêchai pas d’être désagréable pour autant, ce qui fit boire Lou deux fois plus vite que moi. « Veux-tu que je te laisse tranquille, d’abord? Sérieux Manu, je t’aime beaucoup, beaucoup, mais de là à me clencher ça…
⎯ Je sais pas. Ben non, reste avec moi, je vais être correct. Je sais juste pas… je sais pas comment… on… on retourne-tu se coucher?
⎯ T’oublies que t’as de la visite.
⎯ Je pense que c’est lui, qui oublie qu’il est de la visite.»

Nous sommes rentrés doucement à l’appartement pour aller directement dans ma chambre. Nous avons fait l’amour en silence. « J’te jure Camacho, me chuchota-t-elle au creux de l’oreille, que j’aurais préféré mettre à profit le fait que tu sois en crisse pour que tu me sacres une volée. Quelque chose que je me serais rappelé.»
Pour toute réponse, je lui tirai les cheveux vers l’arrière et la mordis dans le cou. J’étouffai son cri avec un oreiller.
Nous avons dû redoubler d’ardeur pour le dernier sprint alors que les bruits de Paré se réveillant nous accompagnèrent jusqu’à la toute fin. Nous l’entendîmes pisser, émettre une étonnante variété de grognements, fouiller dans le frigo, siffler maladroitement puis cogner à la porte de ma chambre. Lou me faisait signe de ne pas m’arrêter et il m’était tout à fait impossible de prononcer quoi que ce soit si je continuais. On cogna à nouveau. Lou enfonça ses ongles dans mes bras en secouant la tête, les yeux grands ouverts. Je délibérai trop longtemps. La porte s’ouvrit. « Wooooooooo moooonsieur!!!!
⎯ Aaahhh ahhhhh aaaaaaaahhhhh
⎯ Aarrrrghhh
⎯ Waouuuuuuu aouuuuu aou aouuuuuuu!!!!!
⎯ PARÉ! HOSTIE!
⎯ Bon… J’vas être dans le salon, si jamais.»
Et la porte se referma.

«Fais-moi pas à croire que t’avais au-cune idée de ce qui se passait dans la chambre, criais-je à Paré en lui confisquant la culotte de Lou qu’il avait récupérée sous le divan et qu’il faisait tourner autour de son doigt.
⎯ Je sais pas, j’étais encore endormi, je pense.
⎯ Je vas t’endormir, moi, pour voir…
⎯ Ah! Essaye-donc, juste pour le fun!
⎯ Demande-moi le pas deux fois…
⎯ Ah! Essaye-donc, juste pour le fun!»

Ce fut Lou qui nous sépara en nous traitant de tous les noms. Elle nous fit un chocolat chaud et nous obligea à nous faire des excuses.



« Pis ça, c’est sans compter qu’il a failli se faire assommer par le maudit bibelot laid de Niagara Falls qu’ils ont rapporté de leur lune de miel.
⎯ Ouache, dit Paré, j’arrive pas à croire qu’y a encore du monde pour aller faire leur voyage de noces là-bas.
⎯ Ben les nerfs, là, c’était dans les années soixante…
⎯ Oui mais c’est clair qu’y a encore du monde qui y vont. Sinon, on en aurait entendu parler, non?»
Nous sommes restés là les trois à rien dire en regardant nos tasses, assis à la table de la cuisine. Paré reprit après un temps. « Vous savez ce qu’on devrait faire?
⎯ Y’a plein de choses qu’on pourrait faire, Paré.
⎯ Non mais je veux dire, pour vrai, on pourrait faire une affaire.
⎯ Dis-le donc, fit Lou, avant qu’on se trouve de quoi d’autre.»
Paré nous regarda en souriant comme un imbécile. « On pourrait monter là.
⎯ Où ça, à Niagara?
⎯ Uh uh, répondit-il en prenant une gorgée.
⎯ Je veux ben, dit Lou, mais, eh, pourquoi?
⎯ Pour le fun. Pour aller rire des mariés. Sans compter que si on part ben vite, on peut pogner le lever du soleil.
⎯ Mais c’est ben innocent, dit Lou, moi je travaille lundi, tsé.
⎯ On revient demain, c’est pas énervant.
⎯ Pffff.
⎯ Moi ça me tente», répondis-je le plus sérieux du monde.

Nous ramassâmes nos affaires en vitesse et je passai le plus long du temps à sélectionner des cd. Let it Bleed des Stones, Everybody knows this is nowhere de Neil Young et Crazy Horse, Mule Variations de Tom Waits, une compil de Sam Cooke, Wildflowers de Tom Petty, Blonde on Blonde de Dylan, Sweetheart of the Rodeo des Byrds et le Al Green qui était encore dans le lecteur, puis nous fûmes sur la route dans la demi-heure qui suivit. J’en étais à un point où je me foutais de tout. Alors que Lou et Paré riaient comme des enfants, j’étais assis sur le banc arrière et roulais des joints comme si je m’en allais en mission. Sans trop comprendre pourquoi ni comment, j’étais épris d’un désir de foutre la merde, de ne pas être du monde. Faire honte à mon père me semblait la chose la plus intelligente à faire et je comptais bien réussir l’épreuve avec succès. Et le fait de partir pour une destination inconnue sans carte routière me donnerait, j’en étais certain, une place toute particulière dans la basse-estime d’Augusto.

Paré avait estimé le temps de route à cinq ou six heures. Nous étions partis vers 20h30, ce qui nous laissait, selon ses dires, le temps de nous perdre un peu avant d’arriver à bon port. Une fois sortis de la ville, j’allumai un joint que je passai ensuite à Lou, puis elle le passa à Paré qui refusa. Il préférait ne pas fumer en conduisant. C’était là le geste le plus responsable que je ne l’avais jamais vu faire. Puis il se rangea sur l’accotement et arrêta le contact. «Kess-tu fais, Paré?
⎯ J’ai besoin des clés.»
Il fouilla dans sa poche et en sortir un sachet de coke pour y piger avec la clé, plus large, de la voiture. Lou eût l’air décontenancé, mais je lui fis signe de ne pas s’en faire. Paré lui passa le sachet alors que cinq ou six poids lourds qui nous dépassaient faisaient vibrer la voiture. «Non Paré, merci, ça va être beau…
⎯ Manu?»
Je regardai Paré, puis Lou, puis Paré à nouveau. «Merci, pas tout de suite.»
Elle me regarda, surprise et je lus sur ses lèvres muettes Pas tout de suite????
Je retournai sans mot dire dans ma zone d’ombre du siège arrière.

La route était morne et enrichissait notre préjugé sur l’Ontario. L’orage qui éclata et les nombreux camions qui constituaient nos seuls compagnons de route me convainquirent de finalement piger dans le sachet de Paré. En bout de compte, Lou ne fût pas plus difficile à convaincre. Il faut dire que les Rolling Stones nous ont un peu aidés avec tout ça.

Je n’avais jamais vu Paré tenir son volant à deux mains. Il laissait échapper un bruit de désagrément chaque fois que les phares d’un poids lourd nous aveuglaient, comme un kaléidoscope au travers de la pluie. Nous commencions à douter de notre plan et Paré en était à se plaindre des choix musicaux, prétextant que j’aurais pu apporter autre chose que des oldies, de la musique qui daterait au moins d’après 1990. Bien sûr, il ne savait pas de quoi il parlait. « Là mon Paré, lança une Lou plutôt allumée, tu viendras pas nous foutre une ambiance de marde après nous avoir embarqué dans ton plan de mongol. Pis à part de ça, c’est quoi qui est arrivé avec ta blonde?»
Paré la regarda froidement. «J’ai comme pas envie de parler de ça, on dirait.
⎯ Ben sois le fun, d’abord! On a déjà assez du bougonneux en arrière, lui répondit-elle en prenant le nouveau joint que je lui passais.»
Paré lui fit un rire forcé, puis donna un coup de volant vers la droite en ramenant son regard sur la route. Un camion hurla aussi fort que nous et nous nous retrouvâmes vite sur l’accotement après avoir râpé une partie de la voiture sur le garde-fou.

La sirène du poids lourd continuant son chemin, comme pour faire déguerpir une simple marmotte, résonnait encore dans nos têtes. Nous étions seuls, immobiles, sans mots et à sens contraire de la route. D’un geste brusque, Paré ferma la radio qui crachait les Stones, en plein jam final de You can’t always get what you want. Il s’alluma une cigarette et sortit de la voiture. Nous le perdîmes vite derrière le rideau de pluie. Je tendis une clope à Lou et l’allumai d’une flamme tremblante. À cause de la pluie sur la tôle, je dus lui demander de répéter sa question. « Tu l’as pas ton permis, hein?»
Question à laquelle je ne pris même pas la peine de répondre.
Paré revint rapidement à la voiture, détrempé et avec une clope éteinte entre les lèvres. Pour toutes paroles, il ne murmura qu’une humble excuse. Et qu’il tâcherait de rester concentré. Et qu’il préférait garder la radio éteinte, du moins pour un bout de temps.


La pluie cessa peu de temps avant d’arriver à Niagara, comme un immense poids que l’on retirait de nos épaules. Nous avons tous eu le réflexe d’ouvrir grandes nos fenêtres, comme pour laisser sortir enfin le malaise qui emplissait la voiture depuis un peu plus d’une heure.
Le malaise et l’humidité aussi. Paré tentait tant bien que mal de sécher en foutant la chaufferette à fond, mais l’essentiel se retrouvait maintenant imprégné dans les sièges ainsi qu’en buée partout autour. La voiture sentait la vieille clope et le chien mouillé.

C’est donc avec un certain soulagement que nous entrâmes dans Niagara. La ville était vide et morne, entre chiens et loups. Et nous étions sérieusement en train de ne pas trouver les chutes. « Maudit hostie, c’pas vrai qu’on va tourner en rond dans c’te ville de marde. On est à Niagara, là, donnez-moi les chutes quequ’un! C’t’idée encore, de pas les crisser direct à l’entrée de la ville…»
Le temps d’extra que Paré avait calculé pour se perdre en arrivant, nous l’avions passé à rouler deux fois plus lentement que prévu pour le reste du chemin, si bien que nous tournions maintenant en rond dans la magnifique ville de Niagara, avec dehors, le ciel qui s’éclaircissait et dans la voiture, une tension qui devenait aussi évidente que l’humidité. «Pis si on suivait la rivière, mettons?» dit Lou après un temps.
Paré s’arrêta à un Stop.
« Coudonc la p’tite, ça te tentait pas d’en parler plus tôt?
⎯ Heille grand cave, t’es pas en mesure de pouvoir écœurer personne icitte au moins pour les six prochains mois. On te tiendra au courant quand on sera prêts. Fait que roule jusqu’à’ rivière, suis le courant, pis reste poli.»

Nous roulâmes sans mot en descendant la rivière et c’est avec un synchronisme parfait que le soleil et notre équipée arrivèrent sur le site des chutes Niagara, vide de toute présence humaine, hormis quelques joggeurs sillonnant la promenade. Le spectacle était à couper le souffle, je n’avais pas eu de si belle communion avec la nature depuis que j’avais pissé dans le fleuve en Gaspésie, deux ans auparavant. Paré approcha le plus possible la voiture du précipice, coupa le contact et se mit aussitôt à pleurer.

vendredi 5 mars 2010

Le jour des poubelles, chapitre 18


« J’aurais aimé ça être drummer dans ces années-là.
⎯ De quoi tu parles?
⎯ Mi-soixante à début soixante-dix. Vois-tu, c’est qu’à ce temps-là, y’avait encore aucun drummer qui avait grandi avec le métal. Ils ont probablement tous écouté du jazz pour apprendre. Maintenant c’est autre chose, les jeunes batteurs commencent tous en trippant sur Metallica ou je sais pas quoi encore, ce qui fait qu’ils ont en eux, même s’ils ont changé, même s’ils sont passé à autre chose, ils ont tous en eux un fond de jeu de batterie massif, pesant. En ce temps-là, ça existait pas encore, le drum pesant. Ils étaient purs, ce qui fait que leur jeu a jamais été pollué par des niaiseries de double base-drum ou de jeu musclé. Ils ont grandi en subtilité, en douceur et en musicalité. Pis l’influence d’énergie brute, ça leur venait des drummers de Big-Bands. C’t’une autre affaire.»
Pour preuve, je pointai le système de son, où j’avais inséré un cd de Al Green, un classique de nos fins de soirée, à Lou et moi. « Sauf que t’es pas un drummer.
⎯ Non. Pantoute.
⎯ Pis que t’es pas né au bon moment.
⎯ Non plus.
⎯ Fait que?
⎯ Je vais me contenter d’écouter les disques, je pense. Qu’est-ce que je peux faire d’autre?
⎯ Je sais pas. Danser, ça pourrait être une idée.»
Sur quoi elle se leva pour se déhancher tranquille devant moi. J’appréciai un temps le spectacle de son petit cul, de ses hanches dont elle avait la parfaite maîtrise, je la laissai me provoquer, en douceur.
Quand je me levai, ce fut pour aller chercher deux nouvelles bières. Je revins au salon, déposai les bouteilles et me sentis agrippé par la ceinture. Nous dansâmes une moitié de chanson, avant de tomber sur le divan et d’y faire l’amour saouls. Et tristes.

Nous fumions une cigarette, nus sur le plancher du salon quand des pas se firent entendre dans l’escalier. « Merde, Carlos qui rentre. Habille-toi, c’est clair qu’il va regarder par la fenêtre si y’a vu de la lumière.»
Lou ramassa son linge en vitesse et partit en courant vers ma chambre en émettant des petits cris nerveux. J’enfilai mes jeans, poussai mes caleçons et ceux de Lou sous le divan et allumai la télévision. Je ne pouvais me permettre de lui faire le coup de fermer la lumière et prétendre que j’étais couché. Carlos, en plus de remarquer ce genre de choses, était du genre à vous le ramener et vous traiter de femmelette pendant deux semaines.
On cogna timidement à la porte. J’allai répondre avec nonchalance.


****


Lou avait proposé d’oublier les mauvaises nouvelles dans le scotch. J’avais protesté un temps avant de flancher. Cette soirée allait me coûter une jambe, mais c’était probablement la chose à faire pour ne pas développer de cancer.
Nous avions écouté le spectacle religieusement. Lou était très impressionnée qu’un médecin puisse être aussi bon musicien. «T’as du talent ou t’en as pas, lui avais-je répondu.
⎯ Mais quand t’es médecin, t’as crissement autre chose à faire que de gratouiller sur une guitare en attendant de devenir bon.
⎯ Je comprends. Il a arrêté longtemps la musique, aussi. Le temps d’avoir ses enfants. Quand ils sont partis de la maison, il s’est remis à pratiquer, pis depuis ce temps-là, il est plus arrêtable. Sous certains points, c’est encore un adolescent, carrément.
⎯ Il est pas mal beau, en tout cas.
⎯ Toi pis tes trips de vieux…
⎯ Écoute-moi bien, Camacho. Il est beau. Il est médecin. C’est un musicien de goût. Il est plein aux as, pis il a encore un cœur d’enfant. Je vois vraiiiiiment pas il est où le problème. Toi t’es juste beau, pis à peine musicien… Sans compter qu’il doit être plus en forme que toi. »
Qu’est-ce que je pouvais répondre à ça? Je l’avais laissée savourer sa petite victoire et commandai deux autres scotchs.
Le retour à vélo avait été pénible. D’abord, j’avais considérablement perdu en vitesse, sans compter que Lou s’amusait à me pincer les mamelons sans avertir. Puis elle parlait. Des mots qui s’envolaient au vent dont je ne saisissais que vaguement la musique.
Ce qui m’avait lentement ramené à mon père, mais l’ivresse gardait mes idées floues. La plus grande partie de ma concentration allait dans la gestion de mon guidon et de mes mamelons.


****


« Salut, Man.
⎯ Hein? Kessé qui t’es arrivé, merde? T’étais où?
⎯ Bah, icitte pis là, là. Ailleurs.
⎯ Mais tu pues, câlisse… Pis… man, c’est du sang, ça?
⎯ Ouin, c’est ça, je me disais, ta chum Lou, me semble qu’elle est pas pire, pour désinfecter… Mais je me rappelle pus c’est où qu’elle habite…
⎯ Salut Paré.»
Lou se tenait quelques mètres derrière moi, accotée au mur, parfaitement habillée. Nous avons jonglé un instant avec les émotions, nous demandant si on ne le prenait pas dans nos bras ou si nous ne lui flanquions pas une raclée. Mais il sentait trop mauvais pour les rapprochements et la raclée, bien, quelqu’un d’autre semblait s’en être déjà occupé.

Alors que Paré était dans la douche, Lou et moi nous regardions sans savoir quoi dire. Le mieux à faire était d’attendre qu’il soit propre. Un minimum.


Ils s’étaient mis à trois pour le passer à tabac. À trois, avec des accessoires. Solide, Paré avait tenu un certain temps, mais aussitôt par-terre, il avait perdu le contrôle. Coups de pied, de poing et une chaîne autour du cou, assez longtemps pour virer au mauve, alors qu’on lui foutait des baffes en l’enjoignant de se mêler de ses affaires, de respecter les territoires et de rester low-profile pour le restant de ses jours. S’ils entendaient parler de lui à nouveau, il y aurait des supérieurs immédiats qui seraient mis au courant. Et à ce moment-là, on ne saurait dire s’il pourrait bénéficier à nouveau de la délicatesse d’un simple avertissement.

Même s’il avait sauté lui-même à pieds joints dans ce bourbier, j’avais du mal à ne pas ressentir une certaine culpabilité. Voilà près de deux mois – deux mois où j’avais complètement perdu sa trace – que Paré, affublé de son costume d’itinérant, arpentait les environs du supermarché où il avait été victime du coup monté de la vieille. Paré ⎯ étant ce qu’il est ⎯ s’était rapidement fait une place parmi les autres bums du quartier. Si, au départ, il s’était tenu dans les environs de la porte d’entrée de l’épicerie, la main ou un chapeau tendus pour passer au crible chacun des clients qui sortait les mains pleines, il avait rapidement étendu son périmètre. Il avait vite assimilé le concept de hiérarchie de la rue et cédait poliment la place aux autres. Mais peu à peu, il se mit à établir des liens avec ses nouveaux collègues. Somme toute sympathiques, m’avait-il confié. Des durs en façade, mais tendres à l’intérieur, un peu comme lui, avait-il blagué. «Sauf que moi, sérieux, je pense que j’avais l’air un peu plus bad qu’eux-autres. Avec la barbe pis toute.»

Quoi qu’il en soit, il s’était vite fait une place et n’avait eu à en venir aux poings qu’une seule fois pour se faire respecter. Il avait choisi le bon, un certain Bernard et l’avait étendu sans trop de difficulté. Ensuite, on s’était mis à lui donner du «Salut Paré, belle journée» et même malgré ses horaires irréguliers, sa place devant l’épicerie était assurée et il était certain de pouvoir trouver le banc de ville vide, s’il désirait s’y asseoir.

Mais Paré était bon avec les gars. Il fit de Bernard son bras droit et saisit rapidement l’occasion de faire gagner à son équipe un peu d’argent de poche. Il était resté surpris la première fois qu’un des gars lui apporta une cote sur les revenus de sa quête, chose qu’il refusa par réflexe. Le mot se passa que Paré ne taxait pas et c’est à ce moment qu’il leur avait proposé un travail. Il était pas mal, finalement, le nouveau.

Dans une suite de raisonnements qu’il avait crus aussi pratiques qu’intelligents, Paré avait flairé l’appât du gain et avait proposé à ses cinq soldats un pourcentage sur les ventes de chaque nouveau client trouvé. Il n’avait eu qu’à booster légèrement ses prix déjà bas pour quand même arriver un peu au-dessous du prix habituel de la rue. Le mot se passa et les junkies du coin devinrent de plus en plus nombreux à faire un détour par l’épicerie, voir si Paré y était, dans lesquels cas il les entraînait au parc à côté, à la limite du terrain de balle, histoire de prendre distance avec le Dunkin’ Donuts situé en biais de l’épicerie.

Il avait vite arrêté de faire semblant de quêter, préférant laisser cette tâche ingrate à ses hommes. Il était même retourné deux fois chez P-O, en lui cachant la réelle manière qu’il écoulait son stock.

Puis vint l’inévitable. Malgré les consignes de confidentialité que Paré avait imposées, la nouvelle fit son chemin et c’est derrière l’épicerie, tard un soir de semaine, qu’il se fit prendre au piège par les dealers locaux. «Kess-tu veux, m’avait-il dit en étirant le foulard qu’il portait pour cacher les marques de chaîne, j’ai un peu couru après. Mais je me suis fait du cash, pareil.
⎯ Pis la vieille?
⎯ La vieille?
⎯ Ben oui, la vieille que tu traquais, la raison première que tu t’es lancé là-dedans.
⎯ Ah, la vieille. Il se grattait à la base de l’oreille. Je sais pas. Je l’ai pas vue.»

Lou s’impatientait devant Paré qui bougeait sans cesse en racontant son histoire, buvait sa bière et en reversait à cause de sa lèvre fendue. « Mais c’est quoi, Paré, cette idée de sacrer le camp de même sans donner de nouvelles à personne? On t’a cherché, tu sais?»
Paré jongla du regard entre nous deux avant de baisser les yeux. « C’est à cause de ma blonde…»
Lou et moi nous sommes regardés, interloqués. « Ta blonde? Voyons-donc, t’as une blonde?
⎯ J’avais une blonde.
⎯ Depuis combien de temps?
⎯ Trois, quatre ans, je sais pas.
⎯ T’en as jamais parlé…
⎯ Tu m’as jamais demandé.»