jeudi 19 mai 2011

La reine des pommes, de Chester Himes


(The five cornered square, 1958)
Gallimard, 1958, Carré Noir, 1972, 249 p.

Je dois bien avoir sept ou huit livres de Chester Himes et ce, depuis très longtemps et jamais encore je ne l’avais lu. J’étais cependant au courant que la majeure partie de son œuvre se penchait sur la condition des noirs. Himes s’est mis à la littérature durant un séjours de sept ans en prison (il était condamné à 20, pour avoir volé des bijoux et une voiture…). Il s’est ensuite installé à Paris, au début des années cinquante et sous le conseil de Marcel Duhamel, le grand patron du noir chez Gallimard, en 1957, il s’est mis à la littérature policière. Il en résulte, un an plus tard, La reine des pommes, qui remporte le Grand prix de littérature policière.

La reine des pommes. On a déjà vu mieux comme titre. De ce que j’ai compris, le titre fait référence à la naïveté du personnage principal. Expression français consacrée, du moins dans les années 50? Sais pas. En tout cas, le flou artistique créé par la traduction ne s’arrête pas au titre. Ça me renverse à quel point l’apport du traducteur peut gravement enlever à un gangster tout le mojo que son auteur a bien voulu lui donner. Prenons pour exemple les noms des deux policiers noirs ultra-violents qu’on y rencontre : Grave-digger Jones et Coffin Ed Johnson deviennent deviennent Fossoyeur Jones et Ed Cercueil Johnson.

Avouez.

Ajoutons à ça un nombre impressionant de termes bidons, je vous en sors comme ça au hasard : condé, larduche, turbin, péquenots, tambouille, rupin, fafs, frelot, gandins, icicaille, tinette, bougnoule, bas duc, coquin de sort, déchard, mironton, mistouflard, etc.

Je vous mets au défi de vous sentir en plein Harlem avec tout ça.

Et je ne vous parle pas des nombreux extrait de chansons blues qu’on a ainsi déguisés en comptines pour enfants.

Je suis conscient qu’un grand nombre des romans américains du genre et de l’époque ont été traduits en vitesse (La reine des pommes est paru la même année que sa version originale), mais le fait est que la grande partie de ces romans souffrent toujours de leur traduction première.

Le roman en soi n’est pas mauvais, mais quand même très loin de mes attentes. Une histoire où Jackson, un pauvre noir bedonnant, naïf et chrétien se retrouve mêlé à une sale histoire et ce, en étant sans cesse considéré comme le premier suspect. Ça déboule, ça grossit, ça saigne et ça frappe, mais à aucun moment n’ai-je été tenu en haleine.

Notons cependant la qualité de certains personnages méchants, les deux policier mentionnés plus haut (qui reviennent dans l’œuvre Himes) ainsi que le frère jumeau de Jackson, un junkie qui se déguise en sœur de la charité pour ramasser son argent.

Me voilà donc très peu ému, mais ça ne me décourage pas de Chester Himes pour autant. Le prochain coup, je me pencherai sur un œuvre plus sérieuse voir.

Peut-être que le fait que j’aie encore sept autres livres de lui chez moi y est pour quelque chose.

vendredi 13 mai 2011

En un combat douteux, de John Steinbeck


(In Dubious Battle, 1936)
Gallimard, 1940, LDP, 1966, 435 p.

Cet été, j’ai envie de régler des cas. J’ai beau me prétendre amoureux de la littérature américaine, j’ai encore jamais lu Faulkner, Melville, McCullers, Himes, O’Connor, Twain, le McCarthy d’avant The Road et bien d’autres que je découvrirai en cours de chemin. Trop longtemps aussi que j’ai lu Miller, Kerouac et d’autres que ça doit faire clairement trop longtemps.

Et Steinbeck. Jamais lu Steinbeck, même pas Des souris et des hommes. Y’a même du monde qui lisent jamais de livres qui me disent « Quoi? T’as jamais lu ça? »

« Pis toi, t’as-tu lu En un combat douteux, han? Une longue histoire de grève entre deux guerres qui se passe dans la saleté, la pauvreté, la faim, la violence alors que dehors, dans la vraie vie, le soleil sort, les arbres bourgeonnent pis les filles recommencent à mettre des jupes pis des camisoles? Aurais-tu passé les 435 pages en une semaine après t’être rendu compte après 10 pages que c’était vraiment pas la meilleure affaire à lire après avoir chiâlé tout l’hiver qu’y faisait frette pis que là tu pognes enfin des coups de soleil à force de lire dans le parc ou sur ta galerie? Ce moment-là que t’attendais tant, l’aurais-tu vraiment passé avec les communistes pis la lutte ouvrière quand t’aurais juste pu relire L’Écume des jours ou encore un « bon polar d’été?» »

Bien sûr, j’ai pas eu l’occasion de dire ça à personne. Pas mal tout le monde que j’ai croisé sur mon chemin cette semaine s’en est foutu, du livre que je lisais.

Jamais lu Steinbeck, donc. Mais je suis allé lire sur lui, tout à l’heure et ça a vite fait de calmer mes questionnements. À savoir que Steinbeck est davantage un documenteur de son époque qu’un romancier de grand talent. Parce que sur le plan artistique, En un combat douteux frôle le flop. Personnages et dialogues aussi subtils que la pépine et la bétonneuse dans ma ruelle par cette belle journée de printemps, nombreuses répétitions, intrigue à peu près inexistante, fin évidente, opinion de l’auteur exprimée clairement à travers le discours du personnage du docteur, etc.

Et pourtant, ce livre, je l’ai lu d’un seul trait, les deux pieds pris la même boue où campent ces ouvriers itinérants qui déclenchent une grève suite à une radicale baisse de salaire.

Pourquoi, donc?

Pour le documentaire. C’est que, sans aucun détour, aucune coupure dans le temps, Steinbeck nous montre l’élaboration d’une grève, du moment où Jim Nolan offre sa candidature au parti Communiste jusqu’à sa mort à la toute fin (hey, je vole pas un punch. Tous les personnages de Steinbeck meurent, paraît-il). Et nous auront vu se développer entre temps son leadership indéniable. Une valeur sûre pour le parti qu’il était, c’te Jim. Même si son idéalisme borné fait froisser les pages à quelques reprises.

J’ai peu de difficulté à voir le ton général des autres œuvres de Steinbeck. Peut-être que je généralise. Mais j’en doute. Peut-être l’équivalent littéraire des photographies de Dorothea Lange, mais un brin moins touchant.

Mais pas moins important pour autant.

vendredi 6 mai 2011

Coronado, de Dennis Lehane


(Coronado, 2006)
Payot & Rivages, 2007, Rivages/Noir, 248 p.

Chaque nouvelle lecture me confirme ce que j’ai déjà compris depuis le début. Lehane est un écrivain de grande envergure. Et, je sais pas, je le lis et je me ravis absolument du fait qu’il remporte un grand succès. Pas besoin d’être dans la misère pour pondre de grandes œuvres.

Qualifier Coronado de chef-d’œuvre serait pousser la note un peu fort. Un pays à l’aube est un chef-d’œuvre. Mystic River est un chef-d’œuvre. Même s’il constitue en soi un magnifique recueil de nouvelles noires, je le perçois davantage (mais ça, là, c’est moi) comme un compagnon de lecture dans la passionante traversée des œuvres de Lehane. Quelque chose qui viendra nous rappeler sont talent en instantanées.

Je dis ça, là, mais j’en connais qui entâmé leur passion pour Lehane avec ce livre. Alors tout est possible.

On trouve dans Coronado cinq nouvelles et une pièce de théâtre. La nouvelle principale, Avant Gwen, j’avais eu le loisir de la lire avant la parution grâce à un ouvrage de promotion publié par Rivages. Merci Rivages. Et c’est maintenant que je lis la suite. Quoi, cinq ans plus tard?

Pourquoi pas. Pas pris une ride.

Trève d’insipidités, Coronado frappe fort, y’a pas à dire. Pratiquement tous les personnages ont un meurtre sur les bras ainsi qu’un étonnant lot de contrariétés. L’ensemble des textes fait dans le noir, tout ce qu’il y a de plus classique. La misère, la violence, le passé trouble, la prison, les gangs.

Les quatre premiers textes sont d’une grande qualité, mais notre attention se portera davantage sur la nouvelle « Avant Gwen » ainsi qie sur la pièce de théâtre en deux actes qui suit, « Coronado », qui reprend habilement les personnages et les actions de la nouvelle précédente pour l’approfondir, l’amener encore plus loin. Quoique l’on puisse en penser, la lecture d’un texte à la suite de l’autre n’amène pas de redite ni de longueur, même si des dialogues y sont repris intégralement. Du travail de maître et voilà qu’il ne me reste que Prières pour la pluie à lire.

J’espère, mon Dennis, que t’es en train de plancher sur autre chose. J’attendrai pas cinq ans à toutes les fois.

dimanche 1 mai 2011

50 000 dollars, de Ernest Hemingway


Gallimard, 1948, LDP, 175 p.

Contrairement à Fitzgerald, que j’ai lu tout juste avant et qui m’a donné l’impression, voire la nécessité de le manipuler avec soin, Hemingway, lui, me fait l’effet contraire. J’ai le sentiment que je peux le brasser comme je le veux et même de lui crier par la tête que son livre était mauvais et il ne ferait qu’en rire. Ou être parfaitement d’accord avec moi. Alors que Fitzgerald devait être drôlement plus princesse.

Je dit ça, là, cherchez pas les références. Y’a que du feeling.

Ceci étant dit, je n’en suis pas à mes premiers pas avec Hemingway. J’ai lu, bien sûr, Le vieil homme et la mer, puis L’adieu aux armes, Les neiges du Kilimandjaro et Le soleil se lève aussi. Seulement la moitié de ces titre a su me causer de quelconques émotions. Le reste m’a profondément emmerdé.

Alors voilà, je reviens quelquefois vers Hemingway en le sachant capable du pire. Mais aussi du meilleur.

Dans la foulée de Million Dollar Baby de F.X. Toole, je voulais aller plus loin dans la boxe. Je croyais que les nouvelles de ce recueil traitaient toutes de boxe. Comme dans « y’a des boxeurs sur la couverture, ça doit parler de boxe ». Et les vieilles éditions du Livre de poche étant ce qu’elles sont, pas moyen de rien apprendre d’autre que le texte en question. C’est pas plus mal. Outre la boxe (le texte titre est clairement le moins agréable du lot), un des textes (Mon vieux) prend place dans le domaine des courses hippiques, un autre (l’Invincible) nous présente un torréro en fin de carrière (j’adore quand Hemingway nous amène voir les taureaux). Les autres textes nous présentent un médecin qui va pratiquer un accouchement chez les indiens accompagné de son fils, puis ensuite un duo de tueurs à gage un peu trop bavards.

Je ne crois pas qu’il faille pas s’attendre, avec Hemingway, à de grands rebondissements. Même que la plupart du temps, on a l’mpression de débarquer quelques part sans avoir été invité et que la situation s’empire parce que personne ne vient vous parler. Le texte-titre, particulièrement, est presque uniquement bâti sur des dialogues. J’ajouterai, des dialogues à la Hemingway. Ça peut être long longtemps tellement y’a rien qui se dit.

Mais il réussit aussi à nous faire vibrer avec presque rien. Mon Vieux et L’invincible, à mon avis, présentent de grands moments dans une impressionnante simplicité. Masculine, la simplicité.

Si y’en a un qui faisait pas avec la dentelle, c’était bien lui.

Gatsby le magnifique, de F. Scott Fitzgerald


(The Great Gatsby, 1925)
Grasset, 1946, LDP, 223 p.

Il m’a pris de lire Gatsby le magnifique suite à m’en être fait parler deux fois dans le même mois par deux amis différents. Bien sûr, il y a longtemps que je connais l’existence du livre, mais rien jamais ne m’y avait mené de façon concrète. Il va sans dire que je touche rarement à des romans où les personnages sont de riches bourgeois. Si vous avez lu quelques uns des commentaires de lecture sur ce blogue, vous aurez vite compris ma préférence pour les histoires plus régionales, où les personnages ont les mains sales, que ce soit la faute au sang ou à la crasse.

Ceci étant dit, je n’ai mis que quelques jours à traverser Gatsby, mû tant par une curiosité particulière, malgré certain passages lassants, que par la langue fluide et colorée de Fitzgerald.

Oui, il y en a des passages lassants. Rien de lourd pour autant, mais tout de même. Les insipides conversations de thé en font foi. Et Gatsby en soi n’arrive que sur le tard, dans le roman. Et pour tout dire, il ne commence à se passer quelque chose pour vrai que vers la fin.

Mais là, Gasse, t’as-tu aimé ça ou ben tu t’es emmerdé?

Oh, merci de poser la question, je suis conscient de pas être très clair. Je l’ai adoré, ce livre. Comme je disais, la prose de Fitzgerald est tout à fait ennivrante, le portrait d’époque magnifiquement dressé et les personnages juste assez malaisants et intrigants pour vouloir aller plus loin. Même si ça s’arrête plutôt rapidement.

Mais l’idée ici est surtout que je suis loin de mon élément habituel et en bout de compte, je m’aperçois que je ne sais pas trop comment en parler. Ce que je sais, c’est que je reviendrai à Fitzgerald, pas de doute.

Et je sais aussi qu’il fait bon parfois de sortir de son élément.

On devient soudainement moins bavard.