jeudi 26 janvier 2012

Arvida, de Samuel Archibald


Le Quartanier, 2011, 315 p.

Maintenant que je l’ai lu, on me dit qu’on parle partout de ce livre-là. Mais quand Vallières m’a montré dans le temps des fêtes ce cadeau qu’il avait reçu en me disant « C’est la grosse affaire, y paraît. Tout le monde parle de livre-là », je jure que c’est la première fois que j’étais mis au courant du livre et de son auteur.

J’ai arrêté d’être libraire et pas à peu près.

J’ai alors pris le livre qu’il me tendait pour faire connaissance. Pour la première fois de la soirée, je laissais les enfants me courir autour et me sauter au cou sans répliquer. Mononc’ Gasse s’offrait une pause, dans la mesure du possible. D’entrée de jeu, je remerciais déjà les éditions Le Quartanier de faire de si beaux livres. La qualité et la beauté de l’objet sont trop souvent négligées. Faut respecter.

Puis la quatrième de couverture s’est mise à me parler. On termine la présentation en citant Cormac McCarthy, Jim Thompson, Stephen King. On joue gros, je me disais. Puis, juste avant d’ouvrir à la première page : « Samuel Archibald est né en 1978… »

Cette excitation mêlée de crainte de découvrir un auteur de talent plus jeune que toi.

Théo me faisait exploser la tronche avec ses nouveaux pistolets de cowboy, Marie était accrochée à mon cou et me couvrait de baisers, Lili-Rose insistait que je me lance avec elle dans une partie d’un jeu éducatif et moi, j’étais déjà investi à fond après une première page.

J’ai déposé le livre en remettant le rendez-vous à très bientôt et me suis remis à quatre pattes en faisant des bruits de lion. Y’a des rendez-vous qu’on ne reporte pas.

Quelques jours après, je suis passé au Port de Tête pour me le procurer. J’ai joint à mon achat « La ballade de Nicolas Jones » de Patrick Roy, toujours au Quartanier, et le recueil de Robin Aubert. Mine de rien, je ne m’étais pas acheté de livres depuis un bout. J’étais pas mal fier.


Cette fin de semaine, je suis allé en abitibi et il est arrivé ce que je redoutais. Pas assez de pages pour compléter le voyage. J’ai repoussé comme j’ai pu la fin inévitable. Mais merde, quand t’aimes c’que tu lis, c’est ben maudit de pas aller de l’avant.

On devait être sur le retour dans le coin de Tremblant quand j’ai refermé le livre en me disant « Ouin ben Archibald, t’aurais eu 70 ans pis une vingtaine de livres d’écrits que j’aurais salué haut et fort la beauté d’Arvida. Mais c’est ton premier livre. On te connaissait pas pis bang, t’arrives avec ça, toi-là. Shit. Tu me donnes autant envie d’écrire que d’arrêter. »

Si vous voulez vraiment savoir de quoi ça parle, si c’est vraiment nécessaire pour vous, allez voir ailleurs, paraît qu’ils en parlent partout.

mercredi 18 janvier 2012

Le XXe siècle américain, une histoire populaire de 1890 à nos jours, de Howard Zinn


(The twenieth century, extrait de People’s history of the United States, 1492-present)
Lux, 2003, 474 p.

Je suis pas un gars de politique et je suis plus ou moins un gars d’Histoire, sauf si ça se rattache à la musique. Un moment donné, on choisit ses forces puis on s’enrichit dans ces directions-là. C’est sur un coup de tête que je me suis lancé dans la lecture de ce livre et j’y ai mis quand même un certain temps. D’un côté parce des lectures de livres politiques écrits tout petit avant de se coucher, c’est pas le meilleur contexte (quoique ça fasse drôlement la job) et de l’autre côté, parce que ça fait tellement rager qu’il faut prendre des pauses, pas le choix.

Howard Zinn oriente son livre en fonction des luttes sociales beaucoup plus que des gouvernements. Et des luttes, c’est comme s’il n’y avait eu que ça : Luttes syndicales, droits des noirs, droits des femmes, mouvements anti-guerre (la première, la deuxième, le Vietnam, la Corée, le Salvador, le Koweit et toutes celles que j’oublie, qu’on a oubliées ou dont on n’a même pas entendu parler), manifestations écologiques, le 99%/1% qui est en place depuis toujours, etc.

Et à travers les époques, toujours la même rengaine. Mauvaise répartion des richesses, expansion constante du budget militaire au détriment de nombreux services sociaux, gouvernement hypocrite (tant républicain que démocrate) qui se dit fier de représenter le peuple, alors que seulement une infime partie de ce dernier se soit présenté aux urnes, bombardements réguliers et rarement justifiables afin d’affirmer au reste du monde sa suprématie militaire au lieu d’en faire une suprématie humaitaire. Et ce désir constant de combattre le crime en punissant à l’œil et en construisant des prisons au lieu de travailler à enrayer la pauvreté.

Je ne connaissais de l’histoire des Etats-Unis que certaines grandes lignes directrices et encore, dans un ordre un peu flou. Plus enclin à découvrir l’Amérique à travers l’œuvre de Dylan que celle des différents présidents. Oui, il y a une grande partie de ce livre qui m’a échappée. Je suis capable de vivre avec. Et Howard Zinn vous fait bien vivre avec ça, aussi. La majorité des sujets tratés sont renforcés par de nombreux témoignages du peuple. Les petites personnes qui ne changent rien aux statistiques pour qui la vie a été un enfer pour avoir désiré et soutenu un idéal rarement utopique.

Pas en Union Soviétique sous Staline, là. Aux Etats-Unis., bon dieu. The land of the free.

Deux exemples bien anodins, durant la première guerre mondiale :
« À Los Angeles, on pouvait voir un film sur la Révolution américaine qui évoquait les atrocités commises par les Britanniques à l’égard des colons. (…) Le réalisateur fut poursuivi au nom de la loi sur l’espionnage au motif que son film, selon le juge, mettait en cause « la bonne foi de notre alliée, la Grande Bretagne. Il fut condamné à dix ans de prison.
Dans une petite ville du Dakota du Sud, Fred Fairchild, fermier et socialiste, fut accusé d’avoir déclaré au cours d’une discussion sur la guerre : « Si j’avais l’âge d’être enrôlé et que je n’avais pas de famille, je refuserais de servir. Ils pourraient me tuer mais ils ne m’obligeraient pas à me battre. » Il fut jugé pour atteinte à la loi sur l’espionnage et condamné à un an et un jour d’emprisonnement (…) »

Des choses comme ça, tout au long du vingtième siècle, pendant près de 500 pages. Pas besoin d’aimer et de comprendre la politique pour se lancer dans ce livre. Il s’agit d’aimer et de comprendre les gens. Et il faut accepter d’être triste pendant près de 500 pages.

Je lisais ça l’autre fois à la job quand Marco est arrivé et a tout de suite reconnu le livre. Lui, il a lu la version complète, qui couvre de Christophe Colomb à George Bush, celui qui a l’air d’un petit singe, là, pas l’autre avant. « Man, si tu trouves ça déprimant, attends de voir ce que Christophe Colomb a fait aux indiens. Ça a pas de crisse de bons sens. On connaît pas la vraie histoire, mon gars. »

Shit. Faudra bien aller voir de ce côté-là un jour, mais d’ici-là, je vais lire une belle quantité de romans. Des romans pour la plupart déprimants, sans aucun doute, mais au moins des histoires inventées.

Oui, ce livre m’a rendu triste. Parce que les Etats-Unis, ça reste somme toute un pays fascinant. Parce que mes créateurs favoris y sont nés, y ont vécu, l’ont raconté. Parce qu’il est rempli d’êtres humains qui veulent juste avoir la paix. Comme ici. Comme en Irak aussi. Comme partout, merde.