dimanche 2 novembre 2008

Deadwood, de Pete Dexter




(Deadwood, 1986)
Gallimard, 1994, Folio Policier, 2007, 608 p.

Deadwood est le troisième titre de Pete Dexter que je lis, et Dexter, lui, est mon nouvel auteur favori. Comme si j'avais douze ans. Il y a longtemps que j'ai eu un idole. Mais jusqu'à maintenant, tout ce que j'ai lu de Dexter m'a sérieusement renversé, et ses livres paraissent avec beaucoup trop de parcimonie pour qu'il puisse se permettre d'en sortir un mauvais. En fait, je crois qu'il n'est rien paru de nouveau depuis les années 2000, peut-être même avant.

Quoiqu'il en soit, Dexter a l'habitude de nous camper ses histoires dans le Philadelphie pauvre, le Philadelphie qu'il a décrit durant plus de quinze ans dans ses colonnes journalistiques, en donnant la belle part aux truands, aux laissés-pour-compte, et à tous ceux qui les entourent. Sans compter les journalistes.

Mais ici, il en va autrement. C'est avec une audace particulière que Dexter s'est attaqué à l'histoire de la ville de Deadwood, un bled perdu dans les Black Hills, en dehors de l'Union américaine à la fin du dix-neuvième siècle. Une ville où tout est à faire et où la loi n'est encore qu'un vague concept donnant-donnant. Deadwood compte quelques notables, des magasin, un théâtre, un bas-quartier avec un bon nombre de débits de boisson, un quartier chinois où l'on se pointe rarement sans raison précise, ainsi qu'un bain, tenu par un fou des tentatives de suicide qu'on appelle le maniaque des bouteilles.

Wild Bill Hickock est déjà une légende lorsqu'il arrive à Deadwood, accompagné de son ami Charley Utter, ainsi que de Malcolm Nash, appelé « le petit », le beau-frère de Utter. Même si Deadwood est occupée par de nombreux prospecteurs, Wild Bill et Utter s'y rendent principalement pour l'effet de nouveauté, et Dieu sait que l'attraction des aventuriers est grande pour les territoires encore inconnus.

Davantage qu'une simple intrigue, c'est l'histoire de la ville de Deadwood qui nous est contée, du moins son apogée, de l'arrivée de Wild Bill en 1876, de tout ce que la simple présence de cette légende a pu avoir comme influence, jusqu'à l'incendie qui la détruisit deux ans plus tard. Nous y rencontrons un grand nombre de personnages, que nous suivons inévitablement dans leur tragédie, l'une des plus marquantes étant, après Wild Bill, Calamity Jane Cannary, que je savais être une femme particulière, mais pas aussi désaxée.

Les évènements contenus dans ce livre, ainsi que les personnages (à part le petit) sont tous vrais. Dexter a dû se taper une recherche d'enfer, mais ça porte fruit. Avec un grand souci de réalisme (peut-être même trop, pour les cœurs sensibles), Dexter nous plonge au cœur de la conquête de l'Ouest en se tenant à des milles de tous clichés qu'on pourrait supposer. Parce que je vous voir venir avec vos sabot, bande d'insécurs. On est loin du bang-bang t'es mort entre cowboys et indiens. Je pense même qu'en 600 pages, le mot cowboy ici n'est jamais écrit. Aimer ou non les cowboys n'est pas la question, c'est beaucoup plus que ça. Le western a cette faculté de placer les hommes dans des situations qui nous sont totalement inconnues, à un temps où les lois et la rigidité de notre époque étaient encore à leurs premiers balbutiements, et autant pour les criminels, qui apprennent pour ainsi dire le métier. Je crois que le concept du crime prémédité est venu beaucoup plus tard. On a appris à devenir criminel en même temps qu'on a appris à combattre le crime. Le western présente donc des hommes plus souvent qu'autrement pris de solitude, même s'ils sont des légendes, même s'ils sont mariés. Des situations troublantes, déchirantes, et bien souvent d'une très grande violence. Monsieur Dexter, vous êtes un grand homme. Ou au moins, un grand écrivain.

Probablement à cause du succès obtenu par la série télé que ce roman a inspirée, Gallimard a réédité en poche ce roman paru en français en 1994, avec en couverture une image qui, elle, évoque tous les clichés de l'ouest, et qui sert même de couverture pour le Lonely Planet sur l'ouest américain. Je déteste voir la même image sur deux livres. C'est presque insultant, et inapproprié. À croire qu'ils n'ont pas lu le livre. Regardez bien les jeans du cowboy qu'on voit en avant-plan. On dirait qu'il sort directement de chez Jeans Plus, alors que dans le roman, la boue et la poussière sont tellement omniprésentes qu'elles en devienne presque un personnage. Pour une fois, on aurait préféré l'image de la série télé.

Bon, je m'en vais me la louer, maintenant, et je chiâlerai probablement sur tout ce qui n'est pas comme dans le livre.

(Originalement publié le 19 août 2008)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très bonne critique de ce roman fabuleux qu'est "deadwood". je suis sur votre blog par une recherche sur GOOGLE car j'écris en ce moment une nouvelle qui se déroule à deadwood..
j'étais tellement heureux de lire ce que je viens de lire que ne pas laisser de commentaires me semblait...inconvenant !
Bonne soirée.
PAT