mardi 8 mars 2011

Un pays à l'aube, de Dennis Lehane


(The Given Day, 2008)
Rivages/Noir, 2009, 857 p.

Lehane, ou bien vous le connaissez, ou ben vous le savez simplement pas. Mystic River et Shutter Island sont deux de ses grands romans adaptés au cinéma. Voilà, vous le connaissez, maintenant. Pour ma part, j’ai découvert Lehane par sa superbe série avec les détectives Patrick Kenzie et Angela Gennaro (dont je suis toujours éperdument amoureux). Tiens, le quatrième tome de la série, Gone, Baby, Gone a été adapté au cinéma par Ben Affleck.

Maintenant que c’est dit, parlons de livres.

L’ambition de Lehane n’a fait que grandir depuis son premier roman (un dernier verre avant la guerre) qu’il avait écrit faute d’argent à mettre dans ses divertissements. Son talent aussi, il a grandi. Et ça nous mène à ce livre gigantesque de 857 pages. Et ça nous fait regretter, un coup passé la moitié, de voir le nombre de pages restantes s’envoler.

C’était mon cadeau de noël de la part de Vallières, qui m’a fait promettre de le lire au plus vite. Ce que j’ai fait, après avoir terminé mon livre précédent que j’ai lu pendant un nombre de mois qui n’existe même pas. Ici, un mois. Et j’ai même pas lu si souvent. Je ne me rappelle pas les dernières fois où je me suis tapé des rush de lecture. C’était bon d’y revenir. Merci, Denis.

Si je me lance pour de vrai dans l’histoire, je ne finirai jamais, j’entrecouperai mon récit d’anecdotes, pis là… pis là…

Je tenterai d’être bref. On verra rendu à la fin.

Nous sommes en 1918, à la fin de la première guerre et nous suivons deux personnages qui n’ont au départ absolument rien à voir. Luther Lawrence, un jeune noir de l’Ohio, excellent joueur de baseball, mais aussi ouvrier noir comme tant d’autres qui doit laisser son travail aux soldats blancs qui reviennent de la guerre. Avec sa femme, il quittera Tulsa pour Greenwood, où il sera surpris de constater que des noirs y mènent une vie prospère. Ça ne l’empêchera pas de tomber dans les activités peu recommandables et de devoir quitter la ville par train de marchandise après avoir été un peu trop loin, laissant-là sa femme en attente de leur premier enfant.

Danny Coughlin est un policier irlandais dont le père, Thomas Coughlin, est arrivé clandestinement au pays dans son jeune âge pour en arriver à devenir Capitaine de la police de Boston. Alors que la ville devient infestée de Bolcheviks et d’associations syndicales, Danny se voit offrir la mission d’infiltrer diverses organisations afin de fournir des listes de noms à la police. Cependant, Coughlin découvrira sa fibre syndicale et ses qualités de leader le mèneront à la tête de l’association des policiers.

Bien sûr, les deux personnages se rencontreront, mais tout ça est beaucoup trop beau pour que je vous dise comment et pourquoi.

Le roman touche un nombre impresionnant d’évènements et de situations en l’espace d’une année. La réalité des immigrants, le racisme sauvage envers les noirs (des scènes choquantes, des malaises renversants), la peste qui ravage la ville, la peur constante du communisme, la formations des associations de travailleurs, le soulèvement des noirs, l’explosion d’un réservoir à mélasse qui innonde une partie de la ville, les affrontements du 1er mai, l’arrivée imminente de la prohibition, la grève de la police, les émeutes qui ravagent la ville au grand complet, mais aussi la pauvreté extrême, l’honneur familial, les relations père-fils tordues ainsi qu’une grande histoire d’amour qui est loin de détonner avec le reste.

Avec une minutie historique rigoureuse et des personnages d’une grande humanité, Lehane nous offre un roman d’envergure et des scènes qui colleront longtemps en tête.

En prime, chaque partie débute avec un chapitre où Babe Ruth est le personnage principal. Babe, l’incarnation du rêve américain, la gloire au bout des gros bras. Babe, le citoyen moyen qui ne lit les articles de journaux qu’à moitié et qui n’a aucune idée de quoi faire durant l’hiver. Babe, l’athlète le mieux payé de l’histoire qui n’a rien à voir avec les policiers de sa ville, qui travaillent au même salaire que dix ans avant la guerre. Le tout premier chapitre, qui s’ouvre sur la grève des joueurs durant la série mondiale de 1918 et qui met en scène une partie de baseball improvisée entre des noirs et des blanc est tout simplement un grand moment de littérature. Et un grand, grand moment de racisme.

Des images qui collent et qui ne sont pas près de partir.

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