jeudi 9 février 2012

Squirrel seeks chipmunk, de David Sedaris



Illustrations de Ian Falconer
Back Bay Books, 2010, 168 p.

Ça adonnait que je passais dans le coin de ce magasin grande surface où j’ai écoulé un nombre d’heures plutôt déprimant en tant qu’employé par les années passées. Même si peu de choses ont changé, il n’en reste pas moins que, depuis mon départ, rien n’est plus pareil. Au niveau de mes intérêts personnels, je parle. Après avoir fait un tour décevant de la place occupée sur les tablettes par mes auteurs fétiches, force m’était de constater que certains de ces livres avaient été mis sur les tablettes par ma propre main, trois ans auparavant.

J’en étais à errer dans les allées avec un air mitigé et un peu déprimé. J’avais déjà été au courant de toutes ces nouveautés, un genre de référence, même. Fini, ce temps-là. J’étais encore pris avec des auteurs découverts des années plus tôt et qui plus est, avec aucun désir de nouveauté. J’en étais presque à demander conseil à une libraire de 22 ans que je connais même pas quand je suis tombé sur Ghislain, un des rares visages de mon époque encore sur le plancher. En lui parlant, j’ai eu un flash : « T’as-tu du David Sedaris? »

Je posais la question en sachant très bien que, à moins que l’auteur ait sorti un livre dans les six derniers mois, il était peu probable de retrouver un de ses titres sur les tablettes. Devant l’ordinateur, il m’a confirmé qu’il y avait bel et bien un titre, dans la maigre section Humour.

J’ai vite trouvé le livre pour constater qu’il y avait des animaux sur la couverture. En lisant les inévitables critiques enthousiastes de quatrième de couverture, j’ai compris que les histoires du recueil mettaient en scène des animaux. Aw, come on. Je n’avais encore lu qu’un seul livre de Sedaris et ça avait été bien assez pour me rendre inconditionnel. Mais inconditionnel de ses récits, je veux qu’il me parle de lui, comme il sait si bien le faire, pas qu’il me raconte des histoire avec des… animaux, merde.

Puis je me suis fait à l’idée qu’il devait y avoir anguille sous roche. C’était impossible que Sedaris soit inintéressant. Je suis reparti aussitôt avec entre les mains un livre où l’on voit en couverture deux mignons rongeurs en tête à tête.

Le métro n’était pas encore arrivé que j’étais déjà complètement absorbé par la finesse cynique de Sedaris. Et je continuerais comme ça, tout au long de ma lecture, à secouer la tête en me disant que ce gars-là a vraiment pas d’allure.

Les animaux mis en scène ici se parlent tous entre eux, vivent dans une société qui leur est propre, tout en gardant leur fonction première, c’est-à-dire, être des animaux. D’une espèce à l’autre, les coups volent bas, les préjugés sont légions, à commencer par ce mépris généralisé des oiseaux.

Sedaris allie à merveille les comportements humains et animaux. Un chat en prison qui fait la vie dure à la souris qui dirige les réunions des A.A. « I’m telling you, brother, you do NOT want that mouse as an ennemy.
⎯ What’s he going to do, the cat said, steal the cheese off my hamburger patty? »

Un couple de chiens en crise conjugale alors que la femelle, une bâtarde, vient d’avoir une portée avec le chien d’en face et que le mâle, un pure race, « gagne sa vie » en se reproduisant avec d’autres chiens de race. « She says that if it’s a paycheck I’m after, I could just as easily lug around a blind person. « Or better yet, sniff out contraband, you and that selective nose that hates the TV but loves the smell of a book.
⎯ Not ALL books » I tell her. And it’s true, I can’t stand thrillers. »

Ou encore cette magnifique histoire où un Hibou assoiffé de savoir tente de régler le problème d’un hippopotame aux prises avec une colonie de larves chantantes dans l’anus.

Je pourrais toutes les raconter, mais ça tuerait la magie de Sedaris. Ce ton baveux, cynique, intelligent, mais toujours égal. Il vous fait plus souvent rire en coin qu’éclater aux éclats, comme si vous assistiez à quelque chose de pas permis, quelque chose dont il ne faudrait pas rire mais qui est définitivement très, très drôle.

Davis Sedaris vous divertit tout en faisant honneur à votre intelligence. Je suis déjà triste d’avoir, très bientôt, déjà lu tous ses livres.

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