lundi 3 mai 2010

Le Jour des poubelles, chapitre 22


« Bon…
⎯ Paré, tabarnak! Tes hosties d’idées, là…
⎯ Les nerfs, Manu, je m’en occupe.
⎯ Tu t’en occupes, tu t’en occupes… yeah right, pis moé je suis abonné à Clin d’Oeil.»
⎯ Je m’en occupe, j’ai dit.»

Les trois hommes entouraient maintenant la voiture. À ma grande joie, ils n’avaient ni l’air de psychopathes, ni de rednecks enragés ou je ne sais quoi encore. Seulement de trois hommes pas contents, avec le principal intéressé en complet-cravate. Que cet accoutrement lui soit quotidien ou occasionnel pour sa sortie au cimetière, il lui conférait néanmoins le statut qui lui revenait. Les deux autres avaient des gueules de subordonnés. Ou de petits frères. Nous en avions chacun un d’assigné. L’homme du cimetière cogna doucement à la fenêtre de Paré, l’intimant de sortir pendant qu’il était encore calme. Paré prit une grande respiration, déverrouilla la portière et sortit du véhicule sans me regarder. L’autre l’accueillit avec un sourire alors que ses deux sbires cognaient à leur tour dans nos fenêtres afin que nous imitions notre ami. « J’ai peur, Manu.
⎯ Ça… ça va ben aller Lou. Montre juste pas que t’as peur.
⎯ Comme pour un ours, mettons?
⎯ Pareil que pour un ours. Je vais sortir en premier, ok?
⎯ Ok.»

Je sortis et on me prit aussitôt fermement le bras. Je fis signe à Lou qui mit un pied à terre, hésitante. Son Ontarien lui passa un bras autour du cou en souriant. «Hellooo Lovely! What’s your name, cutie pie?» Lou me lança un regard apeuré. Je lui en rendis un que je voulais réconfortant, compte tenu de la situation. Je devais avoir l’air d’un enfant sur le point de pleurer. « Me..Marilou…
⎯ Marylou? My God! Hello/Marylou/How do you do?»

Le charme de cette rencontre fût rapidement soufflé par Paré qui eût une nouvelle idée du tonnerre, c’est-à-dire foutre son poing au visage de son Ontarien assigné.


Les deux autres se jetèrent aussitôt dans la mêlée pour neutraliser Paré alors qu’il recevait sa réponse au ventre puis en plein nez. Je voulais bien intervenir, mais merde, j’étais pris d’une peur pas possible. Et qu’est-ce que j’aurais bien pu faire? Sauter au cou d’un des gars et attendre de me faire attaquer par les deux autres? Je m’emparai néanmoins du balai à neige qui traînait à l’arrière de la Jetta, l’objet le plus pertinent que j’aie pu trouver. Je me tins à distance.

L’assaillant de Paré lui souriait à nouveau. « You’re one mean and definitely stupid motherfucker… Et à mon attention, Could you please put that thing back in the car? I don’t want you to get hurt with that!»
Je lui obéis en ignorant les rires des deux autres. Je les vis discuter à voix basse, puis emmener Paré vers nous qui étions restés près de la voiture. « I didn’t want anything like this to happen, guys, but the tall fucker just doesn’t give me any choice.» Puis ils nous forcèrent à mettre les mains sur la voiture, avec les deux cons qui nous guettaient alors que l’autre fouillait. Par pur plaisir, m’a-t-il semblé.

Alors qu’il était enfoui à l’arrière de la Jetta en jetant par-dessus son épaule que qui ne l’intéressait pas, une voiture apparut au sommet de la colline. L’un des deux hommes de main le signifia à l’autre en tapant sur la tôle, par-dessus l’épaule de Lou, une main doucement appuyée dans son dos. Sortant de l’habitacle, l’Ontarien en habit plissa les yeux et sourit aussitôt. Une vieille New Yorker s’avançait sur notre scène en contournant par l’accotement. J’entendis parler, rire un peu. Je relevai la tête pour jeter un œil, mais on me la rabaissa aussitôt. La voiture s’avança et l’autre l’accompagna pour l’aider à passer le barrage. Il revint avec un sourire satisfait. «Where was I? Oh, yeah, looking for funny things in the car…»

Il ouvrit la porte du conducteur pour débarrer le coffre. J’entendis un léger «Tabarnak» sortir de le bouche de Paré. «Oh! Now that is funny!» Il vint entre Lou et moi, un bâton de baseball à la main. «This is better than a stupid broom, don’t you think?» Il retourna vers l’arrière et nous sursautâmes tous alors qu’il flanquait un coup sur l’aile arrière droite de la Jetta. «Come on!» cria Paré qui se la fit taire aussitôt par un coup à l’arrière de la tête.

L’Ontarien mit peu de temps à tomber sur la réserve de coke de Paré, savamment cachée dans la boîte qui contenait ses câbles à booster, des gants, une bouteille de Armor-All et d’autres articles du genre. «Pourquoi t’as traîné ça icitte, crisse? lui chuchotais-je.
⎯ Oussé que tu voulais que je la mette, hostie, j’habite nulle part, j’te rappelle.»

Nous étions cinq à le regarder se servir un échantillon sur le bout de la langue, puis approuver avec un air de belle surprise. Il vint derrière nous et parla d’un ton ravi. « Guys guys guys… Would you like to come inside and have some tea?»

Je nous serais mal vu de refuser.

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