samedi 16 juillet 2011

Le coeur est un chasseur solitaire, de Carson McCullers


(The heart is a lonely hunter, 1942)
Stock, 1947, LDP, 1988, 445 p.

Il y a des lectures comme ça où, pour certaines raisons, il est relativement difficile de ne pas se mettre en relation directe avec l’auteur et de se comparer, peut importe la déprime que cela puisse entraîner.

Dans le cas qui nous intéresse, ce qui n’est pas arrivé à me sortir de la tête tout au long de ma lecture a été le fait que Carson McCullers avait 22 ans lorsqu,elle a écrit ce livre. Son premier. Son chef-d’œuvre. Un grand classique de la littérature américaine.

Bien sûr, je n’ai qu’une mince idée de ce que pouvaient être les préoccupations et les occupations d’une jeune femme de 22 ans dans les années quarante. Je me reporte inévitablement à notre époque, fait un inventaire des jeunes femmes de 22 ans de ma connaissance et n’en trouve aucune pour accoter McCullers. Puis vient l’évidente remarque de moi à moi : « Pis toi, Gasse, t’as fait quoi, à date? »

Fort heureusement, et c’est où l’on constate que ce n’est pas un chef-d’œuvre pour rien, la qualité du roman nous fait momentanément oublier ces considérations ingrates et l’on plonge dans cette petite ville du sud et dans ces personnages qui n’ont rien et tant à offrir en même temps.

Ce n’est pas particulièrement un histoire qu’on lira ici. Ce sont des personnages qu’on rencontre, qu’on croise, en fait, et c,est l’immense richesse de ces personnages qui nous pousse à aller plus loin dans cette histoire propulsée par aucune intrigue.

Au centre de ces personnages, Singer, un sourd-muet aux manières impeccables, à la présentation soignée et qui se tient à des lieues des préjugés locaux. Il vit simplement, est poli avec tout le monde et personne ne sait d’où il vient, d’où il tient son argent et les ragots à son sujet se diffusent à profusion. Qu’à cela ne tienne, Singer fait son affaire malgré sa grande tristesse depuis le départ pour l’hospice de son bon ami Antonapoulos, un gros grec bourru et sourd-muet lui aussi, avec qui il avait développé des habitudes stables.

Et maintenant, dans sa petite chambre de pension, Singer reçoit la visite des gens qui viennent lui parler, ou simplement passer du temps avec lui. Mais surtout pour se confier. Il y a Biff Brannon, le propriétaire du « Café de New York » où se passent une grande partie des scènes du roman, Jake Blount, un étranger vagabond communiste et alcoolique, le docteur Copeland, un médecin nègre rempli de grands espoirs pour sa race et qui donne tout son temps à soigner les noirs qui n’ont pas accès aux hôpitaux. Puis il y a Mick Kelly, la jeune adolescente garçonne qui rêve d’écrire de la musique.

Ces quatres personnages défilent chez Singer qui lit leurs lèvres quand ils veulent bien lui faire face, emmagasine tout pour en faire part à Antonappoulos dans des lettres qu’il ne lui enverra jamais.

Puis se développent autour de Mick des relations délicates. Une attirance plutôt maladive de cette dernière pour Singer, une attirance plutôt malaisante du Barman Biff Brannon pour la jeune Mick.

Puis il y a bien une tonne d’autres personnages, mais qui sont tous en orbite de ces cinq-là. Le portrait d’une petite communauté qui n’a rien de particulier à proposer et qui gère comme elle peut son impressionnante part de problèmes.

Je les ai clairement pas tous lus, mais aucun doute que dans la grande famille des romans américains qui relatent la réalité du sud dans la première moitié du siècle, celui-là en est un grand.

Si jamais je me trompe, je suis ouvert aux suggestions.

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