lundi 9 février 2009

Monsieur Zéro, de Jim Thompson



(The Nothing Man, 1954)
Gallimard, Folio Policier, 2007 (trad. 1966), 274 p.

J’ai ressorti un Thompson qui traînait depuis longtemps sur les tablettes dans le but de me recentrer sur l’essence du roman noir. Mes critiques à la revue Alibis me faisant lire que des nouveautés à tour de bras, un petit retour aux classiques s’impose de temps à autres.

Pour ceux qui ne connaissent pas Jim Thompson, disons qu’il est probablement l’une des icones du roman noir moderne, avec une œuvre écrite dans les années cinquante à soixante-dix. Il purge une vie difficile qu’il met en scène dans ses romans, où, la plupart du temps, des gens normaux se retrouvent dans une merde pas possible qui dégénère souvent dans un tourbillon (oui oui, un tourbillon) de violence et d’alcool. Pas de série pour Thompson. Au lieu de reprendre les mêmes personnages, procédé cher à la plupart des auteurs de noir et de policier, il consacre chacun de ses livres à des individus différents, comme pour étendre son portrait le plus large possible. La merde, elle est partout, elle touche tout le monde.

Monsieur Zéro est le quatrième Thompson que je lis, et le deuxième qui me décoive. Ça me brise le cœur de dire ça. Je voulais que Thompson soit mon port d’attache, qu’il soit l’équivalent de John Fante en littérature noire, c’est-à-dire un auteur vers lequel je puisse toujours me tourner en cas de besoin et qui ne me décevra jamais. J’avais déjà soulevé le point dans ma critique sur Le lien conjugal, qui n’était pas mauvais, mais quand même décevant en bout de compte. Et voilà que je me réessaie et que je frappe le même mur.

L’histoire est classiquement Thompson. Brownie, le zéro en question, tue sa femme de qui il n’arrive pas à obtenir le divorce. Du moins croit-il la tuer. Il l’assomme avec sa bouteille, l’asperge de Whisky et lui met le feu avant de se sauver. Il tuera ensuite son amante, qui alaissé entendre qu’elle avait deviné le meurtre. Il lui casse le cou et la jette aux chiens. Puis il tue ensuite… Bon. Vous voyez le topo. L’idée, c’est que Brownie est un alcoolique notoire, beau parleur, vétéran de la guerre qui bénéficie d’indemnités sans que personne ne sache pourquoi (il a perdu ce qui lui permet d’honorer son rôle de mari), et surtout, qu’il n’arrive pas à achever correctement aucun de ses meurtres. Ami du shériff, il réussit à mettre ce dernier sur d’autres pistes pour l’enquête. Mais franchement, je n’ai pas réussi à déterminer si le shériff Stukey n’était qu’une pauvre cloche, ou bien s’il avait vu clair dans le jeu de Brownie et cherche à trouver d’autres avenues. Je dis que je n’ai pas compris, mais bon, à la fin j’ai compris. C’est juste que le reste est flou.

Le déroulement de l’histoire n’est pas sans intérêt pour autant. Quand il voit que ça dérape et que d’autres sont inculpés à sa place, Brownie plaide coupable au shériff Stukey et lui explique chacun de ses meurtres. Cependant, comme il a salopé le boulot dans chacun des cas, il n’y a aucun moyen de déterminer si les victimes sont réellement mortes des intentions de Brownie. Au pire, il pourrait écoper de peines pour agression.

L’idée est très intréressante, mais mal traitée. Beaucoup trop de dilalogues, dont une grande quantité se terminent en… pour maintenir le suspense, un moment donné, ça tape. Mais à noter toutefois, la délirante scène du dîner chez Dave et Kay Randall, que Brownie déteste profondément. Un chef-d’œuvre de méchanceté. Mais pour avoir une bonne idée du cynisme de Thompson, vous pouvez lire 1275 âmes, un petit chef-d’œuvre avec une thématique qui ressemble sensiblement à ce roman-ci. J’ai vu dernièrement l’excellente adaptation cinématographique de Betrand Tavernier intitulée Coup de Torchon, avec Philippe Noiret et Isabelle Hupert, et ça tient toujours la route.

Je ne désespère pas de Thompson pour autant, mais je vais me documenter avant le prochain. Il ne faut pas perdre l’idée que l’époque où Thompson a œuvré reste l’âge d’or du roman noir et que les auteurs produisaient à la tonne. Pas étonnant qu’il y ait une fausse couche de temps en temps. Je ne sais pas si c’est une impression ⎯ et j’aimerais qu’on me tienne au courant si quelqu’un a la réponse ⎯ mais j’ai le sentiment que les livres de Thompson publiés chez Rivages sont drôlement plus noirs et violents, alors que ceux chez Gallimard sont plutôt légers. Est-ce que je me trompe?
Quoiqu’il en soit, Thompson vaut la peine, ne perdez jamais ça de vue. Lisez 1275 âmes, et on s’en reparle après.

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