mardi 17 novembre 2009

Existe en blanc, de Bertrand Blier



Robert Laffont, 1998, 249 p.


Blier, on le connaît pour ses films irrévérentieux, verbeux et totalement déroutants. En peu de temps, il est devenu pour moi un réalisateur fétiche, un gars qui me parle comme on ne m’avait encore jamais parlé, qui me montre des choses que je n’avais encore jamais imaginées. Appliquer l’étiquette « fétiche » à un gars comme ça, c’est pas rien, parce qu’on n’a aucune idée de où ça pourra nous mener. Tout ce qu’on sait, c’est que ça nous mènera loin. Tellement loin que Google Maps en perdrait tous ses moyens.

Ceux qui auront déjà vu ses films pourront avoir une certaine idée de ce que ça peut être, que de se plonger dans les mots de Blier. C’est rien de ce qu’on aura jamais lu, je dis ça pour de vrai. Au début, on aura peut-être un peu peur d’avoir à se taper de la lourdeur d’auteur français expérimental, mais ça passe bien assez vite. Les mots de Blier mettent absolument tout en perspective, de façon à ce que les pires tabous, les fantasmes les plus tordus nous feront éclater de rire. Avez vous déjà ri, vous, à des scènes de pédophilie ou d’inceste avec un parent qui a changé de sexe? Sachez que c’est possible. Et pas à peu près.

Mais là où les mots ont la belle part et se font un after-party pas possible à des milles et des milles de l’Académie française, l’histoire, nécessairement, en vient à souffrir un peu. Ne nous méprenons pas, si Existe en blanc est qualifié de « roman noir », ce n’est probablement qu’à cause des quelques morts (quelques mortes, devrais-je dire) qu’on y trouve, en plus d’un évident désir de contraster avec le titre. Amateurs de suspense, allez prendre un douche si vous n’êtes pas prêts à mettre quelques concepts de côté.

Le narrateur nous parle de sa cellule, dans le noir complet depuis qu’il a perdu l’usage de la vue. Il s’appelle Baudoin Treuttel, il est français mais sonne comme un belge, à son grand dam. Il n’en fallait pas plus pour se faire rincer à la petite école. Mais ses camarades de classe comprendront bien vite à qui ils ont affaire lorsque le jeune Treuttel, qui a sept ans, se met à leur raconter ses aventures avec son amante d’âge mur. La propriétaire d’une boutique de lingerie devant la vitrine de laquelle Treuttel s’est soudainement arrêté, un après-midi, en se disant qu’il n’y avait rien de plus beau qu’un soutien-gorge.

Il en fera un mode de vie, du soutien-gorge, du soutif. Seulement, sa passion le possède à un point où il ne peut accepter qu’une femme le retire, laissant ainsi aller à la gravité toute sa féminité. Un soutif, ça tient la femme haute et droite et fière, ça la place un peu beaucoup au-dessus de vous. Et quand elle le retire, elle devient tristement banale (mesdames, c’est lui qui dit ça, pas moi) et qu’est-ce qu’on peut faire d’autre à ce moment, sinon la tuer?

Quand on se met à prendre goût à tuer des femmes et qu’on est un gars comme Treuttel, quel meilleur métier que représentant en lingerie? Treuttel s’y lancera jusqu’à sa perte. Mais de là à dire que c’est cette histoire-là qu’on suit… Quand on se met à vraiment mordre la poussière, c’est comme si Blier nous mettait l’histoire de côté. On tombe dans la longue déposition du père Treuttel au procès de son fils qui, bien que passionnante, nous éloigne de ce qu’on voulait se faire raconter encore. Et puis après, je dois vous avouer que je n’ai rien compris. Ou rien voulu comprendre. Ça m’est égal. Blier nous fait le coup de finir ça avec des extraits de journal intime du tueur, puis avec des notes éparses de l’auteur qui, de ce que j’ai pu comprendre, ne serait pas Blier, dans l’histoire. Mais peut-être aussi que je n’ai pas compris. Mais rendu-là, je m’en fous. Ça m’a fait penser à la fin de « Tenue de soirée », quand Michel Blanc finit par se déguiser en femme. Ça dérape et ça devient n’importe quoi. Alors que Blier a toujours ancré ses personnages et ses histoires dans des fondements moraux hautement dérangeants, là, ça devient cabotin, inutile.

Mais comme c’est étrange, autant la fin de ce livre a-t-elle pu me décevoir, la première moitié, elle, reste bien claire dans mon imaginaire. Je me suis fait torcher pas à peu près, et j’ai adoré ça. C’est pourquoi je vais retourner vers Blier afin de tout voir et tout lire. Après ça, je ferai un réel constat. Mais pour l’instant, je me dis que tant qu’un artiste produit, il a le droit de se tromper de temps en temps. À condition qu’il produise et se reprenne.

Et j’oubliais, essayez pas de le trouver, ce livre, ni aucun autre livre de Blier, par ailleurs, y’a plus rien de disponible. Mais vous pouvez bien aller à la bibliothèque, je l’ai rapporté y’a pas longtemps.

1 commentaire:

Alesse a dit…

Haha

ça donne envie de le lire,

mais ça m'étonnerais que je trouves ça dans les bibliothèques beauceronnes.