mercredi 11 novembre 2009

Drôles d'affaires, un poème.

Je l’ai d’abord entendu ce matin
Dans l’eau de vaisselle
Alors que tu prenais ton bain
Y’avait comme quelque chose
Dans le siphon
Quelque chose
Qui me rappelait étrangement ton nom

Quelque chose comme une plainte
Quelque chose comme un cri
Quelque chose qui avait comme peur d’en avoir fini

Au début j’ai ri et puis
Je me suis dit
Ben coudonc
Y se passse des drôles d’affaires à matin dans’ maison

J’ai essuyé le cygne avec du Vim
Rincé à grande eau avec l’arrose
Ramassé comme il faut les graines de toasts
Puis repigé une shotte
Dans le pot de beurre de pinottes

C’est à ce moment là qu’au travers
Du vacarme de la fan
Et des clapotis de l’eau salie
Que mon nom m’est venu aux oreilles
Suis retourné dans l’évier
En cas que ça vienne de la tuyauterie
Pis je l’ai entendu encore, ça résonnait fort, pareil

Quelque chose comme une demande
Quelque chose comme une requête
Quelque chose comme juste sur le bord
D’avoir l’air bête

J’ai liché mon couteau
Avalé ça avec une gorgée d’eau
Pis je me suis dit
Heille le gros, tu penses pas
Que c’est ta blonde qui te parle
Plus que les tuyaux?

J’ai couru la rejoindre
À la salle de bain
Me suis cogné le nez sur la porte
Pas eu d’autre choix que de crier au travers
- Kess-tu veux mon chaton?
T’as dit
- Han?
J’ai dit
- Kess-tu veux? Pourquoi t’as crié mon nom?
La porte est barrée, c’est quoi c’t’idée de m’appeler?
T’as dit
- Mais je t’ai pas appelé, mon chéri
J’ai dit
- Ben d’abord, Kess-tu viens de dire, là, juste là?
T’as dit
- J’ai dit Mais je t’ai pas appelé, mon chéri
J’ai dit
- Non non, juste avant ça
T’as dit
- Avant ça, je disais rien
Je trippais toute seule dans mon bain
Je me calais dans l’eau
Et laissais glisser le savon
Entre mes deux seins
C’est fou pareil, il prend pas toujours la même direction
Se retrouve jamais au même endroit
Le savon

Mais juste quand t’es arrivé
Pis que tu t’es cogné dans la porte fermée
Je le laissais aller puis il est parti se loger
En plein tu sais où
Et t’as pas idée d’à quel point c’est doux
Et là je serre les cuisses et je souris quand ça glisse
Et quand je les ouvre y’a de la musique et y’a des bulles
Et surtout, y’a aucun danger de faire un match nul

C’est juste plate pour toi mon beau bébé
Que la poignée à soit barrée





Et contre la porte mon front
Et mes ongles qui grattaient à l’unisson

- T’es certaine, bel amour bonbon
Que tu viens pas drette-là de crier mon nom?

J’ai attendu une réponse
J’ai entendu que le silence
Et puis les sirènes de tous les services d’urgence
Qui se sont mises à hurler
D’un coup
Dans la petite salle de bain
Mal peinturée
Où mon amour, ma déchirure
Se faisait savonner
Par pompiers, policiers, ambulanciers
Et pis le gars de la cantine mobile

- Je vais retourner dans la cuisine ma chérie
Préparer mon lunch
Faut quand même que je parte bientôt, hein
En tout cas
Tu me le diras quand t’auras fini
J’haïrais peut-être pas ça de me brosser les dents
Faire un p’tit pepi
Mais tsé, fait ce qu’y faut
Bel amour d’amour
Je voudrais surtout pas péter ta bulle
Pendant qu’y a une police qui t’encule

Ils ont tous ri dans leurs uniformes détrempés
Même que j’entendais le gars de la cantine
Qui refaisait du café
Les lumières se sont mises à flasher
Du bleu, du blanc, du rouge
Par la craque de porte
Et le bruit des sirènes qui me confirmait
Que t’était clairement loin d’être morte

Quand y’a le 911 au grand complet qui fait crier l’amour de ta vie
Rendu là, calvaire, veux-tu ben me dire t’appelles qui?

Fait que j’ai rampé jusqu’au salon
Décroché le téléphone sans bonne raison
Y’avait la madame avec son petit ton
Qui me répétait de faire de quoi de ma vie
Mais je suis resté là pis j’ai dit
Ben coudonc
Y se passe des drôles d’affaires à matin dans’ maison.

4 commentaires:

Dominique ! a dit…

C'est merveilleux.
J'avais hâte que t'en écrives un autre... poème.
Super agréable de te lire.
À bientôt

rafael ø. a dit…

encore mieux quand tu le lis
again, great stuf.

Anonyme a dit…

Je suis dans un p'tit café. Je prends deux minutes pour aller lire le dernier truc que t'a écrit. Je sais pas pourquoi mais en lisant le poème, je secoue la tête et mes ongles font du bruit sur la table. La serveuse me demande c'est quoi la toune que j'écoute..."J'écoute rien, je lis un poème...ça torche..."

Isabelle

Man an Ocean a dit…

Calvaire... je m'excuse, mais j'ai commencé à lire le texte, je trouvais ça un peu maladroit, puis plus je lisais, plus je me rendais compte que c'était calculé depuis le début... et que j'étais un peu con d'avoir cru que c'était maladroit.

J'aime beaucoup. Vraiment, beaucoup.