mercredi 24 mars 2010

Spooner, de Pete Dexter


Grand Central Publishing, 2009, 469 p.

Il m’aura donc fallu quatre mois. De toute ma vie, la seule fois où je me rappelle avoir pris aussi longtemps avant de terminer un livre, j’avais fini mes études littéraires et j’avais un sérieux besoin de prendre mes distances avec la lecture, si je voulais un jour relire dans ma vie.

Mais là, je suis loin d’être en chicane avec la lecture. Qui plus est (c’est un de mes profs de littératures qui disait ça, et il niaisait pas), il s’agit ici de mon auteur favori, de son tout nouveau livre (quoiqu’il s’en vient de moins en moins nouveau), livre que j’ai adoré.

Je me suis déjà justifié de la sorte auparavant et je le ferai encore. Si je lis moins, c’est que j’écris plus et que je joue plus de musique. Et qu’ayant récemment laissé mon travail de jour, il n’y a plus ce trajet de métro qui me permettait d’atteindre un certain quota de pages lues par jour. Encore que dans le métro, y’a les belles filles qui t’empêchent d’atteindre ton quota.

Mais hey, j’en ai une autre, raison. Ce Spooner, de Pete Dexter, est mon premier vrai gros livre anglais que je termine. J’avais bien déjà sélectionné quelques auteurs pour leur langage simple et leurs petits livres, mais là, un livre solide, avec du vrai anglais dedans, des traits d’esprit, des réflexions poussées, des jeux de mots, tout’ le kit.

J’ai pas tout compris, mais j’ai tout lu. Et je pense bien en avoir assez compris pour vous en jaser un peu.

Alors, ceux qui sont ici pour la première fois, Bienvenue. Les autres, vous avez probablement déjà idée de l’admiration que je porte à Pete Dexter. Un écrivain de romans noirs, cynique, sensible, sournois, violent et hilarant. Celui qui parviendra à le déloger du podium de mon cœur (je viens de dire ça,moi là?) aura quelque chose de salement solide à proposer.

Quoiqu’il en soit, il commence à être vieux, Dexter. J’espère qu’il est en forme. Il a l’air, en tout cas. Et Spooner, c’est pas un roman noir, mais un roman. Un roman qui raconte toute une vie, celle de Spooner, et dans lequel on sent que le bonhomme, s’il n’est pas en train de régler des cas, jette du moins un regard en arrière aux trente secondes, pour s’assurer que tout est correct.

Je vous le cacherai pas, étant donné que j’ai commencé ce livre-là à la mi-novembre, je serais bien en mal de vous resituer l’histoire dans les moindres détails. D’autant plus que j’ai pas tout compris, c’est en anglais, vous vous rappelez.

Mais je me rappelle une scène funéraire maritime, au tout début, où l’on met un cercueil à l’eau afin qu’il rejoigne les profondeurs. Seulement, on a oublié de percer le cercueil et la boîte flotte et s’éloigne du bateau, vers le large. C’est trop risqué de mettre une barque et des hommes à l’eau pour régler le problème, alors la décision est prise de tirer sur le cercueil, pour le faire couler. Le cercueil explose en morceaux, la veuve pleure et le lecteur rit, rit, rit et pleure un peu aussi, mais pas pour les mêmes raisons.

Spooner, il est maladroit, dans la lune, malchanceux et surtout, ses trois frères et sœurs sont de sérieux génies. Ça ne l’empêchera pas de vivre sa vie, devenir journaliste, rencontrer Miss Spooner, avoir un enfant et se trouver une maison sur une Île pour vivre tranquille. C’est là qu’on se dit tiens, le bonhomme Dexter se fait une rétrospective de sa vie.

(Si vous lisez l’excellent « Paper Trails : True stories of confusion, mindless violence and forbidden desires, a surpising number of wich are not about marriage. » qui se trouve à être un recueil des meilleurs textes journalistiques de Dexter, qui était principalement éditorialiste pour le Philadelphia Daily News, on en apprend beaucoup, beaucoup sur sa vie. Pensez à Foglia, une coche plus drôle.)

Raison pour laquelle je doute que Spooner soit la meilleure introduction à l’œuvre de Dexter. Vous pouvez bien sauter là-dessus en premier si vous le voulez et y’a pas à dire, vous allez avoir du plaisir, mais vous risquez de passer à côté de certains points. Mais si vous avez lu God’s Pocket, par exemple, vous retrouverez en version allongée le fameux passage à tabac que Dexter et son ami boxeur se sont fait servir dans un bar du Devil’s Pocket, un quartier ouvrier de Philadelphie, où les deux pauvres se sont rosser par un groupe de locaux armés de bâtons de baseball et de barres de fer. Événement décisif dans la vie de Dexter, alors journaliste qui s’était un peu trop pas mêlé de ses affaires, et qui l’a contraint à laisser sa carrière de journaliste pour devenir écrivain. D’un certain point de vue, on remercie ses agresseurs.

Sinon, le livre est peut-être un peu décousu. Touchant et toujours intéressant, certes, mais quand même décousu. Remarquez, si vous le lisez en deux semaines, vous en aurez peut-être un autre opinion. Ma lecture, très certainement, était plutôt décousue.

Alors voilà, je termine ici sans rien vous avoir dit de l’histoire. Mais bon, comme dit Djian, l’histoire n’est qu’un prétexte. Ce qui compte vraiment, c’est le style. Et moi je vous dit Lisez Dexter. Vous me paierez une bière plus tard. Je suis patient.

2 commentaires:

Jones a dit…

Me suis commandé Paper Trials...là où tu bossais...

Merci à toi je suis fébrile face à ce livre malgré les 26 autres livres sur ma tablette qui attendent d'être déviergés...

Anonyme a dit…

Wow bin... je tombe sur cette page complètement par hasard en cherchant à savoir si il existe une édition en français de ce Spooner et je découvre la preuve que d'autres lecteurs de Pete Dexter en font leur favori. Bravo et merci pour savoir prendre la défense de cet immense bonhomme afin que d'autres aient l'envie de le lire...
Mais chuis en manque... j'ai lu de lui tout ce qui était disponible en français.
Spooner date semble-t-il de 2009 et je ne trouve aucune trace d'une traduction en cours... Faut-il organiser quelque manifestation urbaine ou grève de la faim ???
Svp... si une info trainait par ici, je vous en serai bien redevable...
Félicitations pour le blog et encore bravo, de France donc.
bobikiou