vendredi 13 mai 2011
En un combat douteux, de John Steinbeck
(In Dubious Battle, 1936)
Gallimard, 1940, LDP, 1966, 435 p.
Cet été, j’ai envie de régler des cas. J’ai beau me prétendre amoureux de la littérature américaine, j’ai encore jamais lu Faulkner, Melville, McCullers, Himes, O’Connor, Twain, le McCarthy d’avant The Road et bien d’autres que je découvrirai en cours de chemin. Trop longtemps aussi que j’ai lu Miller, Kerouac et d’autres que ça doit faire clairement trop longtemps.
Et Steinbeck. Jamais lu Steinbeck, même pas Des souris et des hommes. Y’a même du monde qui lisent jamais de livres qui me disent « Quoi? T’as jamais lu ça? »
« Pis toi, t’as-tu lu En un combat douteux, han? Une longue histoire de grève entre deux guerres qui se passe dans la saleté, la pauvreté, la faim, la violence alors que dehors, dans la vraie vie, le soleil sort, les arbres bourgeonnent pis les filles recommencent à mettre des jupes pis des camisoles? Aurais-tu passé les 435 pages en une semaine après t’être rendu compte après 10 pages que c’était vraiment pas la meilleure affaire à lire après avoir chiâlé tout l’hiver qu’y faisait frette pis que là tu pognes enfin des coups de soleil à force de lire dans le parc ou sur ta galerie? Ce moment-là que t’attendais tant, l’aurais-tu vraiment passé avec les communistes pis la lutte ouvrière quand t’aurais juste pu relire L’Écume des jours ou encore un « bon polar d’été?» »
Bien sûr, j’ai pas eu l’occasion de dire ça à personne. Pas mal tout le monde que j’ai croisé sur mon chemin cette semaine s’en est foutu, du livre que je lisais.
Jamais lu Steinbeck, donc. Mais je suis allé lire sur lui, tout à l’heure et ça a vite fait de calmer mes questionnements. À savoir que Steinbeck est davantage un documenteur de son époque qu’un romancier de grand talent. Parce que sur le plan artistique, En un combat douteux frôle le flop. Personnages et dialogues aussi subtils que la pépine et la bétonneuse dans ma ruelle par cette belle journée de printemps, nombreuses répétitions, intrigue à peu près inexistante, fin évidente, opinion de l’auteur exprimée clairement à travers le discours du personnage du docteur, etc.
Et pourtant, ce livre, je l’ai lu d’un seul trait, les deux pieds pris la même boue où campent ces ouvriers itinérants qui déclenchent une grève suite à une radicale baisse de salaire.
Pourquoi, donc?
Pour le documentaire. C’est que, sans aucun détour, aucune coupure dans le temps, Steinbeck nous montre l’élaboration d’une grève, du moment où Jim Nolan offre sa candidature au parti Communiste jusqu’à sa mort à la toute fin (hey, je vole pas un punch. Tous les personnages de Steinbeck meurent, paraît-il). Et nous auront vu se développer entre temps son leadership indéniable. Une valeur sûre pour le parti qu’il était, c’te Jim. Même si son idéalisme borné fait froisser les pages à quelques reprises.
J’ai peu de difficulté à voir le ton général des autres œuvres de Steinbeck. Peut-être que je généralise. Mais j’en doute. Peut-être l’équivalent littéraire des photographies de Dorothea Lange, mais un brin moins touchant.
Mais pas moins important pour autant.
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