vendredi 31 octobre 2008

Le Facteur sonne toujours deux fois, de James M. Cain







(The Postman Always Rings Twice, 1934) Gallimard, Folio Policier, 1936, 152 p.

James M. Cain est, tout comme Dashiell Hammett et Raymond Chandler, un pilier du roman noir, La Hard Boiled School, caractéristique au début des années trente où, via les Pulp Magazines, le genre policier s'est vu redéfini par rapport aux romans d'énigme (les « Whodunit ») qui avaient la belle part à cette époque. Plus question maintenant de lire pour découvrir à la fin qui est l'auteur du crime, pour voir si le lecteur est assez intelligent pour avoir déjoué l'auteur. Les ambiances malsaines, psychologies tordues, déviances en tout genre et personnages peu recommandables prennent dorénavant le dessus, bien souvent au détriment de l'intrigue. Et Hollywood a le vent dans les voiles et s'empare du genre littéraire. Le film noir fera face à une production abondante, en plus d'être une influence majeure qui transcendera le genre.

Alors qu'Hammett et Chandler s'expriment par le biais de détectives (Sam Spade, Philip Marlowe, tous deux incarnés par Humphrey Bogart au cinéma), Cain se spécialise dans les histoires de femme fatale et d'individus qui courent à leur perte, motivés par l'argent, le sexe et la fuite. Cain a été travaillé toute sa vie à Hollywood et sans aucun doute, ses romans s'en ressentent.

« Le Facteur Sonne Toujours Deux Fois », adapté deux fois au cinéma, est un très court roman, je l'ai presque lu en totalité dans une salle d'attente, qui va droit au but et ne fait pas dans la dentelle. Tout ce qu'on y trouve y est pour servir l'histoire et rien d'autre. Frank Chambers est un chômeur de vingt quatre ans qui roule sa bosse à la grandeur du pays. Il s'arrête dans un café-station service opéré par Nick Papadakis et sa femme Cora et y restera pour travailler. Il tombe bien sûr amoureux de Cora et ils élaboreront un stratège pour se débarasser du « Grec graisseux » et fuir ensuite pour mieux vivre leur amour. Ils devront s'y prendre par deux fois. Peut-être est-ce là la raison du titre, parce qu'on ne trouve aucun facteur dans l'histoire.

J'ai eu davantage l'impression de lire un scénario de film qu'un roman. À mon goût personnel, la passion entre Frank et Cora arrive beaucoup trop vite, de même pour l'option de tuer le grec. Et l'auteur passe beaucoup trop de temps à décrire les magouilles légales qui font en sorte que les deux amoureux s'en sortent.

Puis une fois le livre refermé, je me suis rappelé que ce roman avait presque quatre-vingts ans, et qu'en soi, il comprte une bonne dose d'audace et de révolution. Le style d'écriture, du « Hemmingway épuré » dit-on dans une critique, était une avancée en littérature. Puis, malheureusement, ces scènes torrides que notre époque rend tout simplement banales. Le premier baiser où Cora implore Frank de la mordre, et qui s'en sort avec une lèvre enflée, bleue et marquée. La scène de baise après l'accident trafiqué, dans le sable, avec le grec mort qui gît dans la voiture, le crâne défoncé. En fait, ce ne sont pas tant des scènes décrite, mais plutôt suggérées. En 1934, c'était bien assez. Maintenant, on pourrait tout décrire, tout montrer et ça n'impressionnerait personne.

Somme toute, il s'agit-là d'une belle histoire d'amour entre deux personnes complexes et indécises qui se font rattraper par le destin. Mon principal reproche à moi-même est peut-être d'avoir vu ou lu des histoires semblables auparavant, et d'avoir oublié que celle-ci est la mère de toutes les autres.

Extrait :

(…) Dieu se moque de nous, maintenant.
-- Je m'en fous. Moquons-nous de lui, nous aussi. Il a mis un « sens interdit » sur notre route, et nous sommes passés quand même. Et alors? Est-ce qu'on a loupé le coup?… Foutre non! On est sorti de là propres comme un sou, et avec dix mille balles pour avoir fait le boulot. Tu crois que Dieu nous a baisés au front?… Moi je dis que c'est le diable qui a couché avec nous! Et crois-moi, mon petit, il a trouvé ça rudement bon!
(…)
Je lui ai arraché ses vêtements. Elle s'est tournée un peu pour qu'ils glissent mieux. Puis, ils sont tombés, elle a fermé les yeux et elle est restée étendue la tête sur l'oreiller. Ses cheveux roulaient sur ses épaules, en boucles pareilles à des serpents. Ses yeux étaient sombres et ses seins n'étaient pas durcis, les pointes dressées vers moi, mais tout doux, et leurs bouts étaient en deux larges taches roses. Elle semblait être l'ancêtre de toutes les putains du monde. Le diable en eut pour son argent, cette nuit-là.


(Originalement publié le 5 avril 2007)

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