vendredi 31 octobre 2008

Vivement dimanche! de Charles Williams






(The Long Saturday Night, 1962) Gallimard, Série Noire, 1963, 186 p.

D'abord, une clarification. L'édition de ce livre que j'ai en main date des années quatre-vingt. En couverture, une image de l'adaptation cinématographique par François Truffaut montrant Fanny Ardant et Jean-Louis Trintignant. Ok. Où est le problème? Le problème est dans le fait que Charles Williams est un auteur américain et qu'à cause de la photo de couverture, j'ai eu le sentiment tout le long que j'avais affaire à un polar français (pour ceux posent la question, oui, ça change quelque chose), sans compter que j'avais malgré moi à composer avec une image définie des personnages. Et si moi, j'avais envie de les voir autrement? Aucune chance ici, puisqu'il y a déjà trop d'information sur la seule couverture du livre. Tout ça pour dire qu'une image du film sur une couverture de livre n'est qu'un élément de marketing. Pour le reste, à mon avis, ça ne fait que créer un handicap à la lecture. Aurais-je envie de lire « Le Survenant » de Germaine Guèvremont que je me lancerais dans les librairies usagées dans le simple but de ne pas acheter la nouvelle édition avec Jean-Nicolas Verreault en couverture. Un handicap, que je disais.

Mais ce n'est pas tout. Ceux qui y portent attention auront remarqué que les titres de romans policier sont souvent ridicules. « Couche-la dans le muguet » de James Hadley Chase est un de mes favoris. « Sanglants Trophées », le dernier de C.J. Box, malgré son titre bidon, semble être un excellent livre. Parfois, le titre est bidon dès le départ, mais souvent, trop souvent, c'est la faute au traducteur ou à l'éditeur (« The Blade Itself » de Marcus Sakey traduit par « Désaxé ». Impardonnable. Et la liste est longue.) Ainsi, « Vivement dimanche! » avec son pathétique point d'exclamation (c'est un roman noir, merde) est la traduction de « The Long Saturday Night », un titre choisi par l'auteur pour la raison particulière qu'il est fidèle à l'histoire.

Après un samedi aussi mouvementé, impossible que John « Duke »Warren affirme quelque chose d'aussi vide que « Vivement dimanche! ». Pauvre John. Ça commence par le meurtre de Dan Roberts, un de ses locataires qui, tout comme lui ce matin là, se trouvait dans les planques réservées aux membres du club de chasse au canard de la petite ville de Carthage. Puisque Duke était la seule autre personne à être sur les lieux, pas étonnant que le détective Scanlon et Mulholland, son détestable bras droit, fassent tout pour porter les accusations contre lui. Ça se corse avec le meurtre violent de sa femme Frances, peu après qu'elle soit rentrée plus tôt que prévu d'un voyage aux raisons nébuleuses. Encore là, tous les indices font en sorte que Duke soit le suspect numéro un. Sous l'impulsion de la panique, il se lance dans une fuite et essaie de mener sa propre enquête dans ce samedi qui semble interminable où il découvrira que sa femme n'était pas totalement celle qu'il croyait. Heureusement qu'il a eu la chance d'engager, il y a quelques années, la magnifique Barbara Ryan comme secrétaire, probablement le personnage le plus intéressant du livre. Sans la clairvoyance et la collaboration de cette dernière, Duke aurait certainement sombré dans la folie.

C'est le premier livre de Charles Williams que je lis. Cet auteur semble être important dans la production noire amériacaine, connu notamment pour ses livres « Fantasia chez les Ploucs » et « Aux urnes, les Ploucs! » (encore des titres bidon…), où il dépeint avec humour et noirceur la vie de campagne dans le sud des Etats-Unis. Le livre dont il est question ici n'est absolument pas humoristique, mais montre un réel talent d'écriture efficace en plus d'une trame où la tension monte sans cesse à petits crans. Mon principal reproche est qu'on se perd un peu trop dans les suppositions, les alibis et les explications où l'on va loin dans les détails. On en vient à perdre le rythme de lecture et, pour tout dire, on s'en fout pas mal.

Sinon, c'est un livre très bien qui se lit en un rien de temps.

Et malgré mon chiâlage du début, je n'ai pas de misère à croire que le film est très bon.

Ah, une dernière plainte. Le traducteur a cru bon dire « rugby » au lieu de football (pas du footbeul, du football, l'auteur est américain, rappelez-vous). Or, dire qu'un tel a joué au rugby pour « les Chicago Bears », c'est pousser la note un peu fort. J'aime pas qu'on me prenne pour un con à ce point.


Extrait :
« Quarante minutes plus tard, le gravier crissa dans l'allée, derrière le mur, à l'autre bout du living-room. J'entendis la porte du garage claquer en se rabattant. Puis on la referma.
Le poids qui m'opressait était devenu si lourd que je pouvais à peine respirer. Sa clé tourna dans la serrure de la cuisine, qui s'éclaira, et j'entendis le claquement familier et magique de ses hauts talons qui se rapprochaient. Puis sa silhouette se dessina dans l'encadrement de la porte. Valise à la main et sac sous l'autre bras, elle tâtonna pour trouver l'interrupteur. La lumière jaillit.
-- Salut, dis-je. Bienvenue au foyer.
Elle sursauta. La valise tomba par terre, suivie du sac. Ses yeux lancèrent un éclair de colère.
-- Pourquoi es-tu assis dans l'obscurité? Tu m'as fait mourir de peur!
« Elle est très belle en colère » pensais-je… Elle l'est tout le temps, d'ailleurs. Elle portait un étroit tailleur sombre et un corsage blanc, mais elle n'avait pas son manteau. Peut-être l'avait-elle laissé dans la voiture; elle traînait son vison avec désinvolture, comme un vulgaire peignoir.
-- Si c'est ta façon de blaguer…
Comme je ne disais toujours rien, sa voix se fit hésitante.
-- Qu'est-ce qu'il y a?
-- Je veux savoir pourquoi tu t'es brusquement décidé à rentrer, répondis-je.
-- Ma foi, tu désirais que je rentre. Mais si c'est comme ça que tu le prends…
-- Je veux savoir pourquoi, répétais-je. »


(Originalement publié le 1er mai 2007)

Aucun commentaire: