dimanche 24 avril 2011
Décomposition, de J Eric Miller
(Decomposition, 2005)
Du Masque, 2008, 205 p.
Pourri
Au départ, l’idée est drôlement intéressante. Après avoir tué Jack, son amant, l’héroïne fout le cadavre dans le coffre et roule de la Nouvelle-Orléans post-Katrina vers Seattle où se trouve George, l’homme qu’elle n’aurait jamais dû quitter. L’héroïne agit sans parvenir à justifier ses actes et roule sans carte ni plan défini, avec pour seule indication que Seattle se trouve au nord-ouest de chez elle. Le chemin est long et hasardeux, la chaleur est accablante, et l’odeur de décomposition gagne lentement du terrain.
L’histoire est racontée à la première personne du présent et avance à pas tâtonneux vers un objectif qui ne sera jamais atteint. La narratrice est tantôt prise de remords, tantôt possédée de pulsions meutrières envers quiconque se rapproche de son secret, et garde pour plus tard tout ce qui nous intéresse, à savoir le motif et la méthode du meurtre. Elle nous ressasse ses histoires de bonheur avec son pauvre Jack, écrivain fou et obsédé sexuel, et ne parle que très peu de George, qui semble plutôt être un chic type, du genre présentable aux parents. Le récit repose en grande partie sur quelques anecdotes difficilement justifiables et le suspense, s’il doit y en avoir, semble coincé étouffé dans le coffre sous le cadavre de Jack.
On a peine à savoir qui est réellement la narratrice. Sa folie peu convainquante fait en sorte que le lecteur en laisse aller plus qu’il n’en prend dans ce soit-disant profil psychologique tordu. En bout de compte, le lecteur se souviendra que la narratrice est très jolie, sexy, nymphomane et que ses seins ont été refaits. Quelques scènes torrides viennent justifier ces attributs, suite auxquelles le lecteur se dira qu’au moins, à défaut d’avoir écrit une histoire, l’auteur se sera fait plaisir.
Quoiqu’il en soit, il aurait bien pu garder ses fantasmes pour lui.
Si seulement la décomposition en question prenait la place qui lui revient, l’histoire aurait été toute autre. Mais on oublie longtemps le cadavre pour des histoires de famille et de couple, et le sujet principal a à peine le temps de devenir réellement putréfié que ce tout petit livre écrit en quatorze points prend fin dans l’indifférence la plus totale. Un bel essai raté.
(critique écrite pour Alibis, automne 2008)
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