dimanche 24 avril 2011

Quand tu liras ces mots, de Giles Blunt


(The Fields of Grief, 2006)
Le Masque, 2008, 428 p.

Suicides en Ontario


Je suis toujours un peu impressionné lorsque je lis en un court laps de temps deux livres qui touchent relativement au même sujet, et ce, par pur hasard. Bien sûr, le fait de se concentrer sur les polars peut considérablement resserrer le facteur de risque, mais tout de même, il devient difficile de ne pas mettre les deux romans en relation. Il y a quelques semaines, j’ai lu le désolant La loi de la seconde chance de James Sheehan (voir la critique à l’intérieur de ces pages), dans lequel le personnage principal devait composer avec le décès de sa femme après son combat contre le cancer. Le deuil exprimé m’y avait paru ridicule et mièvre, et voilà que j’en étais à douter de la pertinence à évoquer ce sentiment dans un roman. Heureusement, Giles Blunt est arrivé à la rescousse pour réparer les dégats.

John Cardinal est inspecteur à Algonquin Bay, un petit bled perdu dans la nature de l’Ontario. Il file le parfait bonheur avec sa femme Catherine, malgré la forte tendance de cette dernière vers la dépression sévère. Et voilà qu’un beau soir d’automne, elle se lance du haut d’un neuvième étage alors qu’elle avait prétendu aller faire une scéance de photographie de nuit. Le drame en ébranle plus d’un, Cardinal le premier. Ignorant le congé qu’on lui impose, il se lance dans une enquête personnelle alors que la police a conclu au suicide. C’est que le message d’adieu laissé par Catherine sur le lieu du drame ne serait pas la dernière chose qu’elle ait écrite, et l’enquête de Cardinal l’amènera à y déceler une empreinte digitale étrangère. Bien entendu, tout le monde assure Cardinal que la thèse du suicide est claire et limpide, qu’il ferait mieux de se reposer et de vivre son deuil de façon concrète afin de mieux continuer à vivre, aussi éprouvante cette épreuve puisse-t-elle être. En tant que lecteur, nous sommes partagés entre l’idée d’appuyer Cardinal dans son enquête et celle de croire qu’il perd complètement la carte. Malgré le drame qui l’accable, il mène tout de même une enquête éclairée, s’appuyant sur des éléments qui ne feraient même pas office de preuve au sein de la police, en plus d’être mû par une rage interne, où la culpabilité et le refus catégorique des évènements se disputent la belle place.

En intrigue parallèle, une collègue de Cardinal, l’inspecteur Delorme, enquête sur un dossier de pornographie enfantine, alors que l’inspecteur en deuil épluche certains cas de suicide survenus dans la région. Jusqu’à découvrir une troublante vérité.

Même si son titre évoque un mauvais roman de Mary Higgins Clark ou de Patricia MacDonald, Quand tu liras ces mots est un polar psychologique d’une qualité digne de mention. Rien de renversant, d’innovateur ou de nouveau, mais un polar dans les règles de l’art, sombre, fin, humain, et… pas très bien traduit (mél au lieu de email, pierre-papier-ciseaux ?!?). Mais, lecteurs insatiables que vous êtes, aucun doute que vous en aurez vu d’autres, et de bien pires. Je crois que Quand tu liras ces mots est mon premier roman policier canadien et ma foi, je trouve que ça commence plutôt bien. Hey! Un bon polar qui ne vient même pas de Scandinavie, comme quoi même l’Ontario, si elle est bien apprêtée, peut aussi paraître exotique.


(Critique écrite pour Alibis, hiver 2009)

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