dimanche 24 avril 2011

La saison des massacres, de Giancarlo de Cataldo


(Nelle mani giuste, 2007)
Metailié Noir, 2008, 298 p.

L’Italie des initiés

C’est avec un heureux souvenir de Romanzo Criminale, le premier roman de De Cataldo, que j’ai entâmé La saison des massacres. Une envie particulière d’y retrouver ce qui avait fait mon bonheur dans le roman précédent – puisque ce dernier s’inscrit comme la suite du premier – m’y a fait plonger sans réfléchir. Après la saga de la mafia romaine des années 70 à 90, voici maintenant un roman qui a pour contexte les attentats à la voiture piégée qui ébranlèrent l’Italie à l’été 1993.

Je me suis rapidement trouvé bien naïf de penser que De Cataldo se relancerait dans le même genre d’écriture que son premier livre (qui fait 730 pages, une vie, pour certains). De Cataldo est passé à autre chose et traite de son sujet avec tout le sérieux que l’on peut espérer d’un écrivain qui est également magistrat à Rome. Alors que le premier roman se passait dans la rue, entre sniffées de cokes, fusils pointés pour rien, filles faciles et violence gratuite, La saison des massacres se passe davantage dans les coulisses que sur le terrain. Et gare à quiconque n’aura pas une connaissance préalable de la structure politique italienne. Pris entre la gauche et la droite, la mafia, les communistes, les anti-communistes et les Francs-Maçons, il devient difficile pour le lecteur non-initié d’y retrouver son chemin.

Mais c’est avec un certain plaisir que l’on retrouve l’inspecteur Scialoja, qui avait fait la vie dure à la bande du Libanais dans Romanzo Criminale, qui a maintenant succédé au Vieux à la tête d’une société secrète jamais nommée et qui possède d’imposantes archives privées qui contiennent un grand lot d’informations compromettantes pour plusieurs. Stalin Rosetti, un ancien bras-droit du Vieux et combattant anti-communiste, en veut à Scialoja d’avoir pris une place qui, à son avis, lui revient. Entre les deux, la belle Patrizia, pute de luxe insaisissable, corrompue à souhait et déchirée entre le devoir et l’amour. On me demandera ensuite, « et puis, quel rapport avec les attentats? » et je prendrai un temps en regardant au plafond avant de vous avouer que je n’y ai rien compris. Que mon salut, je l’ai trouvé dans les quelques personnages qui me faisaient de l’effet, mais que la structure fondamentale de l’histoire est trop complexe pour un néophyte. De Cataldo ne fait pas un cours d’introduction à l’Italie contemporaine. Il baigne dans les affaires légales à longueur d’année et, forcément, prend plusieurs chose pour acquises. Comme tous ces nouveaux noms qui arrivent sans présentation (et des personnages, il y en a déjà une pelletée). Ne serait-ce que Berlusconi. Je veux bien prendre une grande part de faute pour mon ignorance, mais pour moi, Berlusconi n’était qu’un nom parmis tant d’autres au journal télévisé. Et si je passais mon temps sur Wikipedia à chaque élément nouveau qui m’est inconnu, je serais encore en train de le lire, ce livre. C’est ce qui fait la différence entre les deux romans de De Cataldo. Même si Romanzo Criminale était vaste et truffé d’information, il restait néanmoins centré sur les personnages (qui, soit dit en passant, s’appellaient Le Sec, Le Dandy, Le Libanais, au lieu de ces festivals étourdissants de voyelles que sont les noms italiens) et se retrouvait du coup accessible à un public plus large. Pour La saison des massacres, ce sont les faits et les supposistions qui dominent. Et on y retrouve drôlement plus de pots-de-vin que de coups de poing.

Mais l’auteur laisse tout de même pointer une note d’espoir via les personnages féminins et les jeune (bons ou mauvais), tous habités par le désir de s’en sortir, de fuir les causes et les associations dont on ne peut se délier, de prendre le large pour vivre et être en amour et peut-être, à la longue, en venir à faire une nouvelle Italie.
Ça, je l’ai compris.


(Critique écrite pour Alibis, hiver 2008)

1 commentaire:

From the avenue a dit…

je rejoins tout à fait ton avis ! écriture et style complètement différent que "Romanzo criminale". Petite déception donc...et puis on se perd facilement dans les différentes tractations entre etat et mafia. magré ça, j'étais bien content de retouver l'inspecteur et Ptrizia !