dimanche 24 avril 2011

Dette de sang, de William Lashner


(Past Due, 2004)
Du Rocher, 2005, Folio Policier 2007, 627 p.

Surveillez vos poches, y’a un avocat dans la pièce!


Victor Carl occupe le premier rôle des six romans de Lashner traduits en français (dont deux en poche chez Folio) et, tout comme son auteur, est avocat criminel. Mais n’allez pas croire à de soporifiques romans de procédure judiciaire, loin de là. Victor Carl, plus ou moins ambitieux dans son métier, semble avoir un don pour trouver ses clients parmi la pire racaille de Philadelphie. Heureux mélange de personnage hard-boiled et de poule mouillée, Carl fait dans son froc à la vue d’un fusil, mais ne tient pas compte d’un gangster lui intimant de se mêler de ses affaires. Il a la réplique facile, joue les charmeurs sans rien mener à terme, et préfère les cravates en polyesther, indestructibles, alors qu’en soie, une tache de sauce et c’est foutu.

Quand Victor Carl se fait appeler pour se présenter au quai 84 du port de Philadelphie où un crime vient d’être commis, il doit identifier un cadavre que l’on a retrouvé la gorge tranchée entre deux conteneurs à déchets : Joseph Parma, alias Joey Rapiat, un de ses clients qui s’est bâti une réputation à grands coups de dettes ici et là, Victor Carl compris. Ils s’étaient vus le matin même et Rapiat avait alors confié à son avocat un meurtre commis vingt ans plus tôt, chose qu’il avait toujours gardée sous silence. Une affaire qui avait mal tourné. Quelqu’un devait se pointer avec une valise, et lui et son collègue avaient eu consigne de foutre une râclée au porteur. Ç’aurait été une simple râclée avec une batte de baseball si le porteur ne s’était baissé pour éviter le coup. Le pauvre, au lieu d’une hanche broyée, il s’était retrouvé avec le crâne démoli. Les malfaiteurs le balancèrent dans le fleuve avant d’ouvrir la valise, pleine à craquer de billets. Ils se remplirent les poches et prirent la fuite sans jamais donner de nouvelles.

Il faut croire que la valise en question suscite encore la convoitise vingt ans plus tard, puisque deux autres témoins liés à l’affaire seront assassinés peu après. Victor Carl est lancé, pour l’honneur et pour la mère de Parma, à la recherche du meurtrier sans se douter à quel point ses investigations pourront en déranger plus d’un. Il s’appliquera à brasser un passé rempli de mensonges, d’adultère et de trafic de drogue. Il subira coups et menaces, mettra à ses pieds un juge de la cour suprême, fantasmera sur une série de photos érotiques anonymes que lui a refilées Rapiat et lira Hamlet deux fois, tout en faisant régulièrement un saut par l’hôpital pour rendre visite à son père malade et grincheux qui tient à lui raconter une mystérieuse histoire.

Dette de sang est un divertissement tout à fait honnête, malgré les quelques cabotinages et certaines chutes douteuses de chapitres qui nous projettent subitement dans l’avenir. Cependant, le ton sympathique et direct de l’écriture, les personnages colorés à souhait ainsi que les courts chapitres (75 en tout) nous gardent dans la course, même si le rythme est plutôt lent. Étrange sentiment que celui de trouver qu’un roman pourrait subir quelques coupures, sans pour autant avoir ressenti de longueur à la lecture. Un livre qui se lit vite mais qui ne finit jamais. Étrange sentiment aussi que cette couverture, qui nous fait osciller entre le mauvais goût et l’admiration des attributs qu’elle présente. Un plaisir à lire dans un autobus rempli de jeunes étudiants aux regards déviants.


(Critique écrite pour Alibis, printemps 2008)

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