dimanche 24 avril 2011

Triste Flic, de Hugo Hamilton


(Sad Bastard, 1998)
Phébus, 2008, 248 p.

Les plaintes d'un flic imbibé

Hugo Hamilton est l’un des plus importants auteurs irlandais contemporains, et il y a de nombreuses années que je me suis promis de le lire. Son Sang Impur s’est mérité le prix Fémina Étranger en 2004, et en 2006, la traduction de Déjanté, la première aventure de Pat Coyne, m’avait fortement mis en appétit. Cependant, je ne m’étais jusqu’à maintenant encore jamais attablé et j’aurais bien pu attendre, je ne m’en serais porté que mieux. Encore une fois, je suis tombé dans le panneau. Il faut croire que mon radar n’est pas encore tout à fait au point.

Triste Flic n’est pas totalement inintéressant. Je dirais plutôt simplement inintéressant. Bien que l’image du flic paumé soit chose courante, elle peut encore à mon avis être pertinente, pour peu qu’elle soit bien traitée. Pat Coyne, dans ce roman, n’est même plus un flic, mais plutôt une pauvre épave. Suite à un sauvetage raté lors d’un incendie, Coyne est en convalescence - qu’il passe en grande partie à l’Anchor Bar, un pub Irlandais dans la plus pure tradition. Il y soigne non seulement ses poumons abimés par la fumée, mais aussi son petit cœur, qu’il ne peut désormais plus partager avec Carmel, la femme qui lui a donné Jimmy, cet adolescent délinquant qui amène son père dans une dèche dont il se serait bien passé.

L’intrigue nous raconte une histoire d’immigrants clandestins et de sac plein de pognon qui tombe entre les mauvaises mains, avec l’effet domino auquel on peut s’attendre dans un roman policier. Le tout, bien sûr, constellé d’une pléiade de personnages colorés (le personnage du poète sans-abris est un bel exemple de coloriage raté). Le problème, c’est que Hamilton dilue son histoire et passe une grande partie du temps à faire réfléchir son personnage sur l’état de l’Irlande actuelle. Réfractaire et borné, Coyne en veut à toute forme d’évolution. Il fera malgré tout un pas en avant en s’adressant à son fils en langage hip-hop. Mon dieu. Si mon propre père m’avait fait le coup, j’en porterais encore les séquelles. Et lorsqu’il cesse de regarder autour et se centre sur lui-même, Coyne nous rabat les oreilles avec sa foutue situation de chien battu, si bien qu’à certains moments, il nous semble surprenant de voir l’intrigue surgir et reprendre cours.

Plus que les malheurs de Coyne, ce qui enfonce le lecteur dans le syndrome du livre interminable est cette lourdeur dans l’écriture d’Hamilton. Moins une lourdeur de vocabulaire qu’une de structure, de construction. Des phrases ampoulées, des dérapages ainsi que quelques tentatives de procédés littéraires, tout plein de petits éléments qui font de Triste Flic un étrange moment à passer. Sans compter le papier raide et une reliure qui casse aussitôt qu’on la maltraite un peu. Autant mettre son énergie et son argent ailleurs.


(Critique écrite pour Alibis, hiver 2009)

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