dimanche 24 avril 2011

Marzi et Outchj, de Pascal Leclercq


Coups de Tête #8, 2008, 110 p.

Starsky et Hutch, version pays de la frite


En introduction, une mise en garde de l’auteur : « Cette histoire se passe en Belgique, c’est-à-dire nulle part. » Dans un mélange de boutades et de clichés sur sa mère patrie – où l’on ressent tout de même l’amour du pays, malgré le fait d’être constamment détrempé par la pluie – Pascal Leclercq nous propose, avec son premier roman, un divertissement tout à fait digne de mention.

Marzi, c’est Georges Marzineau fils, un jeune professeur en serrurerie, qui se voit dans l’obligation, le jour de la mort de son père, de reprendre les affaires familiales. Quand faut y aller, faut y aller, et Marzi s’attelle à son nouveau métier de mafieux belge en entendant le faire à sa propre manière. Simple. Rapide. Efficace. Dans une rixe de bar, Marzi rencontre Outchj, le gros Yougo sympathique, qui deviendra son fidèle allié pour la suite de l’histoire, fidèle dans la mesure où les charmes de l’ex-pute Ivana ne viennent pas altérer son sens des responsabilités.

Visiblement, on en veut à la vie de Marzi. D’abord, trois agresseurs déguisés en témoins de Jéhovah cognent à sa porte. C’est Marzi qui aura le dessus en assommant ses visiteurs d’un discours religieux particulièrement rigoureux. À leur sortie, un tueur à moto les crible de balles mal tirées, tuant un faux Jéhovah tout en abimant la maison de Marzi. Mais qui donc en veut à qui? Et à qui Marzi pourra-t-il réclamer la réparation de sa façade? À grands coups de bière, de rhum, de pétards et de cornets de frites, Marzi et Outchj tenteront, bien maladroitement, de tirer cette histoire au clair tout en distribuant des baffes ça et là, alors que sifflent à leurs oreilles des balles qui leurs sont destinées. Et dans la tête brumeuse de Marzi flotte tout ce temps-là la trinité féminine, formée par madame sa mère, qui n’hésite pas à mettre son fils à l’épreuve dans son nouveau métier, Eulalie, l’amoureuse invisible, puis Priscilla Van Heft, la secrétaire de l’école où travaillait Marzi, en qui il se plaît à canaliser toute la haine nécessaire pour mener à bien son nouveau métier. La sainte, la mère et la pute, avec toute l’influence dont on les sait capables.

On ne lira pas tant Marzi et Outchj pour la qualité de son intrigue, sympathique mais un peu bâclée, mais plutôt pour la force évocatrice de son écriture. Une langue fournie et surprenante, musicale et rebondissante, une langue qui, malgré de nombreux termes locaux qui nous laisseront dans le vague, donne la belle part à l’humour, cynique et burlesque. Des personnages cons et colorés - un consul d’Italie féru de jeunes ouvriers, un commissaire de police érotomane, un gérant d’épicerie soumis - des situations impossibles, comme une explosion dans la pièce d’à côté, et Marzi qui entre et vole calmement une montre à un bras qui traînait par là, c’est un univers douteux et tordant que nous offre Pascal Leclercq, qui est déjà poète, journaliste, nouvelliste et traducteur. Sans aucun doute, le meilleur numéro des éditions Coups de Tête jusqu’à présent.


(Critique écrite pour Alibis, printemps 2008)

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