dimanche 24 avril 2011

Le vampyre de New York, de Charlie Huston


(Already Dead, 2005)
Seuil Thrillers, 2009, 299 p.

Huston, we have a problem


Il y a quelques mois, j’ai lu Trop de mains dans le sac du même auteur, un roman noir mettant en scène Henry Thompson, un type malchanceux bourré d’attitude et de répliques assasines et qui m’avait procuré un divertissement de grande qualité. Plutôt que d’en publier la suite, les éditions du Seuil ont préféré faire paraître, comme deuxième traduction de l’auteur, le premier tome de son autre série, dédiée à Joe Pitt, un vampyre nouvelle génération. Oui, avec un y.

Fort de mon enthousiasme pour son roman précédent, j’ai attaqué Le vampyre de New York (Already Dead en anglais…dans la grande tradition des traductions ringuardes de titres) en me disant que je renouvellerais l’expérience et que Huston m’en ferait voir de toutes les couleurs. Mais j’ai vu noir et rouge, et c’est à peu près tout.

L’idée de base est très intéressante. La ville de New York est divisée en plusieurs territoires : La Coalition, la Société, le Hood, les Dusters, l’enclave, etc, territoires délimités par divers gangs de vampyres, avec la Coalition qui règne roi et maître. Toute la (non-)vie des vampyres est strictement réglementée. Très peu d’humains ont connaissance de l’existence de ces derniers et la situation doit rester ainsi. Les meurtres gratuits pour étancher la soif sont sévèrement proscrits. La Coalition, de toute façon, fournit à chacun la dose nécessaire pour maîtriser le vyrus. Oui, avec un y.

Joe Pitt, lui, est ce que l’on appelle un Franc-Tireur. Il ne fait partie d’aucune association, mais accomplit néanmoins de menus travaux pour l’un et l’autre, comme de retracer un individu contaminé (dans le monde des vampyres, dire « Zombie » est plutôt péjoratif, alors on trouve des alternatives), ou de retrouver la fille fugueuse d’un couple d’humains de la haute société. Mais lorsqu’il remarque qu’on lui a volé ses réserves de sang, Pitt doit abattre le travail en composant avec le vyrus qui fait des siennes et ce, en tentant de ne pas succomber à l’appel de la chair.

Le Vampyre de New York est un roman très violent, sanglant, et franchement dégueulasse. On va même jusqu’à l’inceste en tant que spectacle de torture. Soit. Pas que je sois petite nature, je pense que je peux en prendre pas mal, mais ici, c’est qu’en plus d’être dégueulasse, c’est un peu inintéressant. Je mettrai une grande partie de la faute sur la narration au présent.

Je ne me rappelais plus que ce genre de procédé me dérangeait autant. Je suis allé ouvrir le premier roman de Huston, juste pour voir. Au présent aussi et pourtant je n’avais pas buté une seconde. Donc? Ou bien je suis devenu un lecteur plus exigeant entre ces deux romans, ou bien Le vampyre de New York est tout simplement moins bon que son prédécesseur. Quoiqu’il en soit, le récit au présent donne cette étrange impression de stagner. Imaginez une longue scène de bagarre qui fait du surplace. S’il faut en plus que les deux assaillants soient des vampyres pas tuables, on n’est pas à la veille de s’en sortir.

En plus du manque de profondeur causé par le procédé narratif, tout reste plutôt flou autour des délimitations territoriales, de qui est avec qui, qui connaît qui et pourquoi. Peut-être aussi que j’ai simplement été distrait et que j’en ai manqué des bouts. D’une manière ou d’une autre, il y a quelque chose qui cloche. Et l’écriture sans aucune division de chapitres ne donne aucun moment pour poser pied et respirer un peu.

Alors je laisserai aux autres les suites de cette série sanglante bourrée de «y» en italique et me concentrerai sur le prochain tome des aventures de Henry Thompson en voyant si le présent m’affecte encore autant.

L’un des bons points de ce roman, cependant, est qu’il annonce pour les éditions du Seuil l’abandon de ces affreuses couvertures blanches et rouges qu’ils avaient confectionnées pour leur collection Thrillers, afin d’adopter le même graphisme que leur collection Policier. Pourquoi aller dans le blanc quand on fait déjà si bien dans le noir?


(Critique écrite pour Alibis, printemps 2009)

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