dimanche 24 avril 2011

Métarevers, de Serge Lamothe et Un chien de ma chienne, de Mandalian


Coups de Tête #14, 2009, 106 p.


Coups de Tête #13, 2009, 117 p.


Une bonne et une mauvaise nouvelle

C’est bon de voir que les éditions Coups de Tête tiennent toujours le coup. Et prennent du mieux, merci à la nouvelle présentation initiée par ces deux parutions où le noir prend enfin le dessus. Comme je l’ai dit dans ma critique du livre de Charlie Huston, dans le genre qui nous intéresse, on ne peut pas se tromper en préférant le noir au blanc.

Je l’ai déjà dit, le concept autour des éditions Coups de Tête est, à mon goût, des plus honorables. Faire de courts romans rentre-dedans avec de la violence, du sexe et un langage à faire frémir les élites, tout ça en se disant qu’il est large, le public masculin pour qui la lecture est loin d’être au programme.

En adoptant le concept de la série, les Coups de Tête paraissent mensuellement, et forcément, la constance du catalogue n’a pas encore atteint son niveau de croisière. Pas de doute que dans notre petit marché, trouver un auteur à chaque mois prêt à faire dans le genre est en soi un exploit.

Ces deux nouvelles parutions expliquent parfaitement ma relation amour-haine avec la série. Serge Lamothe est un écrivain que je ne connaissais que pour avoir entendu d’excellents commentaires de ses précédents romans, Tarquimpol (Alto, 2007) en particulier. Métarevers nous raconte l’histoire de Bernard Coste, dit Le Gros qui, lors de ses vacances en Corse, se retrouve impliqué dans une enquête sur la disparition du frère de Sylvie, la fille qui allume tous ses sens. Car on se le fera rappeler une fois et une autre, Coste est un gros goinfre libidineux. Bouffe et baise, à pleine bouche. Entre les repas qu’il se sert à la table de l’hôtel ou à même le corps de sa belle Sylvie, l’enquête, elle, piétine, de la mafia corse aux jeux de rôles sur internet. Étrange impression d’avoir un ramassis de clichés sensés être choquants dans une langue qui ne sait pas où donner de la tête. Le narrateur est un ami de Coste qui nous raconte l’histoire à sa manière, en nous donnant du «tu», quoi, à dix reprises dans le roman? Il nous revient avec ça quand on avait oublié qu’il était là. Et pour ce qui est du langage des personnages, impossible de dire qui est québécois et qui ne l’est pas là-dedans. On peut retrouver «méchant buzz» et «gnons dans le bide» dans la même foulée. Difficile de se les représenter par le langage, on retiendra d’eux qu’ils sont gros, maigre, sexy, beau ou laid. Un roman qui m’a fait soupirer à quelques reprises et qui m’a beaucoup déçu, venant d’un auteur établi et respecté.

J’attaquais donc le deuxième roman, Un chien de ma chienne avec une certaine appréhension. N’ayant jamais entendu parler de Mandalian (c’est une femme) qui en est à son premier roman après avoir fait de nombreux métiers liés aux domaines artistiques, je dois admettre d’avoir été sur mes gardes. Mais aussitôt l’étourdissant prologue passé (on comprend à la fin), je suis embarqué dans cette histoire de plain-pied, une dérape motivée par un désir sexuel insoutenable qui nous mène dans un festival de violence, de drogues, d’angoisses et de rebondissements surprenants et crédibles. Pas une seconde de répit et tout à fait fluide (je ne me suis rendu compte que vers la fin que l’histoire était écrite au présent, moi qui prétend ne pas blairer les romans au présent). Seul point négatif, l’omission (presque) totale du «je» qui donne des phrases comme «Ai salué silencieusement.» Je dois avouer que je ne suis pas un fan du procédé, surtout dans un contexte qui se veut Populaire gros comme le bras. Quoiqu’il en soit, ai rajouté mes «je» mentalement, ai parcouru en un souffle l’un de mes meilleurs Coups de Tête jusqu’à maintenant. Un roman qui devrait servir de modèle à la série.

(Critique écrite pour Alibis, Printemps 2009)

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