dimanche 24 avril 2011
Si Dieu dort/L'ombre de la chute de Mark Henshaw et John Clanch
(And hope to die, 2007)
Bourgois, 2008, 430 p.
(If God sleeps, 1997)
Bourgois, 2004, Folio Policier, 2007, 407 p.
Un lieutenant de Glass
Après avoir purgé des peines ridicules, compte tenu de leurs fautes, des meurtriers, violeurs et autres agresseurs sont assassinés dans les jours qui suivent leur remise en liberté. On croit à un tueur qui vient terminer un travail que la justice aurait négligé. Ces meurtres sont en effet l’œuvre d’un « tribunal » externe, composé de proches de victimes de meurtres. Et d’un informateur particulièrement bien placé, qui tient au courant de ces remises en liberté souvent faites dans le plus grand anonymat.
L’inspecteur Solomon Glass est sur le coup. Un être dur, froid, cynique et souvent désagréable. Mais à la brigade criminelle, on lui pardonne ses écarts d’humeur, parce qu’il est tout simplement le meilleur. On ignore tout de son passé, on évite de poser des question, et on laisse le lieutenant Glass travailler en solo. Le jeune Dany Malone, un Irlandais bonasse aux grands pieds, s’est fait dire par le comissaire Keeves que s’il voulait apprendre, il devait se coller aux meilleurs. Malone, téméraire, prend les ordres au mot, voit en Glass le meilleur et s’y colle. Le Juif et l’Irlandais devront bien finir par se comprendre, histoire de mettre au clair cette série de meurtres.
Le duo Henshaw/Clanchy nous vient d’Australie et présente, avec Si Dieu dort, la première enquête du lieutenant Glass, qui sort en poche conjointement à la parution grand format de la suite. Tous deux écrivains reconnus dans leur pays, les auteurs ont uni leurs forces pour donner dans le roman de procédure policière aux accents psychologiques. Saluons d’abord la création du lieutenant Glass, personnage intrigant, surprenant, et qui sait mettre le lecteur en confiance. Cependant, l’écriture est lourde. On s’égare sans arrêt dans les pensées des personnages, les dialogues sont entrecoupés de commentaires verbeux, la notion de rythme est ignorée. Mais on ne manquera pas d’être affecté par le dénouement de l’histoire, qui aura pour effet de multiplier les démons déjà nombreux qui hantent les pensées de Glass.
Heureusement, l’écriture se resserre dans L’ombre de la chute, la deuxième aventure. Dès les premières pages, on embarque de plein pied dans une enquête dérangeante, où un kidnappeur d’enfants garde ses victimes en otages quelques jours, pour ensuite envoyer un paquet à la mère, qui contiendra un doigt, un lobe d’oreille ou une lèvre dont on imagine sans peine la provenance. En pièce jointe, une note qui dit « Votre vie ou la sienne. Vous avez cinq jours. » Le livre commence au moment du quatrième kidnapping. Jusqu’à présent, deux mères se sont suicidées, et les enfants ont été relâchés, un morceau en moins. La troisième mère a été chanceuse. On lui a rendu son enfant devenu hystérique.
Flanqué de Malone, qui prend du métier sans toutefois perdre sa naïveté, et de la belle Nora, spécialiste du système informatique que l’on aura rencontrée dans le livre précédent, Glass se lance dans une enquête qui se déroule davantage dans les fichiers de la criminelle que sur le terrain. Bénéficiant toujours d’une longueur d’avance, le kidnappeur laisse des indices pour finalement faire comprendre que ce qu’il veut, c’est la peau de Glass.
Nettement supérieur au premier roman, L’ombre de la chute est une enquête qui dérange et laisse peu de répit. Mais je ne suis pas sans ignorer que le thème du kidnappeur d’enfants soit éculé. Les vieux routiers y trouveront peut-être nombre de lieux communs, je n’ai pour ma part éprouvé aucune réticence. Peut-être suis-je le Malone naïf de cette histoire.
Si ce livre vous intéresse, laissez-moi cependant gâcher votre plaisir. L’ombre de la chute se détaille à près de 55$ en librairie (mais vous pensez à quoi, chez Bourgois?). Un beau prétexte pour visiter la bibliothèque.
(Critique écrite pour Alibis, printemps 2008)
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