dimanche 24 avril 2011
Le noir qui marche à pied, de Louis-Ferdinand Despreez
Phébus, 2008, 221 p.
Les dix commandements de qui?
À Prétoria, dans une Afrique du Sud post-apartheid où la réconciliation prend plus souvent qu’autrement des allures d’illusion, le taux de crimes reste plus élevé qu’ailleurs, en première position derrière les pays en guerre. L’inspecteur Francis Zondi de la SAPS (South African Police Service) affecté à la Serious and Violent Crimes Unit doit trouver le lien qui unit les enlèvements de dix jeunes enfants tour à tour attrapés à la sortie des classes. Les indices ne pleuvent pas, et seulement la moitié des parents ont ignoré les consignes écrites du malfaiteur pour faire malgré tout appel à la police.
Zondi est un policier noir de la vieille école. On le surnomme Bronx, à cause de son bref passage au FBI, et s’il n’en était que de lui, il appliquerait bien la loi à sa manière. Surtout devant une telle situation. Même le parrain local, que Zondi va consuler à tout hasard, n’en revient pas qu’on puisse faire un crime si bas.
Ces enlèvements sont l’œuvre d’Ephraïm Molefe, un faux prêtre noir illuminé qui a eu le temps d’apprendre par cœur la bible en prison. Même durant deux heures d’interrogatoire, il parvient à ne répondre que par des versets…Mais Molefe, tout comme son acolyte, Haardus de Roux, un gros blanc bête comme ses pieds, est un bien piètre criminel, et il ne voit que la finalité derrière ses crimes, la création d’une église bâtie autour des dix commandements, un enfant par commandement. Sa seule réelle précaution sera de mettre de côté sa voiture, trop voyante, pour faire à pied les affaires relatives à ses crimes.
Même si l’action de ce roman est lente et truffée de souvenirs et de réflexions, elle n’en reste pas moins prenante jusqu’à la toute fin. Despreez nous offre une galerie de personnages colorés tous aussi différents les uns que les autres et qui prennent bien leur place dans un univers qui nous est tout à fait inconnnu, tant dans le domaine du polar que dans la vie réelle. L’auteur ne semble pas avoir une très belle opinion de la perception de l’ordre dans son pays et ne se gène pas pour en relever les failles. Mandela n’est pas un super-héros, et si l’abolition de l’apartheid a rendu l’Afrique du Sud plus humaine face à la communauté internationale, son fonctionnement à l’interne n’est pas moins douteux pour autant, au même titre que le problème de la pauvreté, qui est toujours aussi concret.
Deuxième roman de ce Sud-Africain d’expression anglaise qui écrit en français, Le noir qui marche à pied devrait servir de leçon. Alors qu’une trop grande quantité de romans en anglais sont mal traduits, et que beaucoup, beaucoup de romans français sont inutilement verbeux, Despreez s’exprime avec un français d’une grande qualité. Il arrive à joindre au langage concis propre au polar une richesse qui ne tombe jamais dans les sombres dédales du littéraire. En voilà un qui a bien fait ses devoirs et qui devrait offrir des cours d’appoint.
(Critique écrite pour Alibis, été 2008)
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