samedi 1 novembre 2008

J'aurai ta peau, de Mickey Spillane




(I, the Jury, 1947)
Presses de la Cité, 1947, 191 p.

Mickey Spillane compte parmi les grands acteurs du genre HardBoiled, qui prit son essor dans les années trente et quarante. Le Hardboiled, c'était cette nouvelle approche du policier (pour faire changement du roman d'énigme, plus intellectuel) qui se concentrait davantage sur l'ambiance et l'attitude du personnage principal. Et vous pouvez deviner qu'en frais de personnage, on n'aura pas affaire à une mauviette.

Le Mike Hammer de Mickey Spillane ne fait certainement pas exception à la règle. Fraîchement sorti de la guerre qui l'a plus que jamais désillusionné sur le genre humain, Hammer est ce genre de détective privé qui haït trop fort et tire trop vite. Il a fait la une des journaux assez souvent pour que son nom le précède partout où il passe. Même la technique de se présenter dans une maison de passe sous un nom d'emprunt est désormais désuète. On connaît Mike Hammer, et quand il est là, on est gentil avec lui. Il y a régulièrement du sang sur son costume, mais rarement le sien. Impossible de le prendre en filature, de le battre à mains nues même à deux contre un, et même qu'il a ce talent particulier d'éviter les balles qui lui sont destinées. Y'a pas à dire, Mike Hammer ne se laisse pas mettre en poêle. Ajoutez à cela qu'il représente pour la femme le summum de la masculinité et vous avez un détective privé intuable, en service, tombeur, macho, imbu de lui même, presque obsédé, et absolument irrésistible.

Comme dans de trop nombreux cas, le titre français ringard ne fais en aucun cas honneur au livre. Tandis que le titre original, I, the Jury, suggère très efficacement toute la trame du livre; le détective qui se fait seul et unique jury pour appliquer sa loi, car il sait que la vraie loi sera décevante dans son verdict. Mike Hammer est sur la scène du meurtre de son meilleur ami, Jack Williams. De forts liens les avaient liés durant la guerre, au point où Jack avait affirmé qu'il ferait tout pour un ami. Peu après, il défendait Hammer au point d'y perdre un bras. Ce bras en moins était l'emblême d'une amitié toujours aussi forte, et Hammer jure qu'il retrouvera l'assassin et le descendra d'une seule balle, pour ensuite le regarder mourir à petit feu. Comme on a fait pour Jack. Hammer est incorrigible sur ce point, malgré les essais pour l'en dissuader de Pat Chambers, l'enquêteur de la police en charge de l'affaire.

Les deux hommes partiront chacun de leur côté en quête de l'assassin. Chambers pour le boucler, Hammer pour le descendre. Alors qu'une grande partie des romans policiers nous donne à voir un privé en conflit avec les forces de l'ordre, ici, Hammer et Chambers en viendront à collaborer, voyant chacun leur tour que l'autre joue franc-jeu, s'échangeront des données sans se mettre de bâtons dans les roues. L'enquête prend l'allure d'une course amicale alors que les deux hommes de loi se lancent des défis, à savoir qui arrivera le premier à la prochaine étape.

Mais à la mort de Jack Williams succéderont d'autres morts avec le même fusil. Les liens semblent tordus au départ, mais Hammer en viendra à démenteler un important réseau de prostitution et de trafic d'héroïne. Ne vous en faites pas, je ne dévoile pas là le clou de l'histoire mais plutôt, à mon avis, sa partie la moins intéressante. L'enquête en soi, dans ce genre de romans, est davantage un prétexte pour élaborer des personnages extravagants. Le plaisir ne réside pas tant dans l'élucidation de l'intrigue que dans la mauvaise attitude du protagoniste.

Parlant mauvaise attitude, un roman noir de cette époque n'est rien sans blonde fatale. Et dans ce roman, la blonde fatale est au pluriel. À commencer pas sa secrétaire, qui lui fait la gueule quand il rentre au bureau avec du rouge à lèvres sur son col de chemise,une psychiatre canon dont il tombera amoureux, et deux jumelles sportives et milionnaires, dont l'une est nymphomane. Mike Hammer aura fort à faire pour ne pas laisser les plaisirs charnels entrâver sa quête du meurtrier. Pas facile de mener une enquête avec la libido dans le tapis. Pauvre Mike.

J'aurai ta Peau est un roman parfait dans le genre. Bref, incisif, drôle, haletant, pervers, avec un Héros qui mérite son H majuscule.

(Originalement publié le 14 janvier 2008)

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