dimanche 2 novembre 2008

Le Chef-d'Oeuvre, de Sébastien Filiatrault


Stanké, 2008, 251 p.

Je suis pas peu fier de vous en parler, Le Chef-d’œuvre est le premier roman de mon ami, mais aussi le tout premier roman écrit par un de mes amis. J’avais eu la chance de lire une version manuscrite (manuscrite à l’ordi, si ça se dit) légèrement différente, mais ça fait assez longtemps que je ne m’en souviens plus. Mais là, de le lire entre deux couvertures cartonnées, ça change la dynamique de lecture pas à peu près, on peut le lire d’une main en mangeant à l’extérieur sans que tout parte au vent, ce qui, vous en conviendrez, est un bel avantage.

Le chef-d’œuvre en question, ce n’est pas le livre que vous tiendrez entre vos mains lorsque vous irez l’acheter chez votre libraire favori, mais bien celui que tente d’écrire le personnage-narrateur. Afin d’écrire un livre digne des plus grands titres de la littérature, il tente de faire en sorte d’être le plus malheureux possible, parce que c’est bien connu, on ne peut pas écrire un grand roman lorsqu’on a été bien élevé, bien nourri, aimé et logé toute sa vie. On ne peut pas remettre la condition humaine sur la sellette en ayant tout cuit dans la bouche. Ainsi, avec l’arrivée du printemps, il décide de se terrer dans son appartement et d’embarquer sur la grosse déprime sale.

Mais ne devient pas malheureux qui veut. Surtout si l’un des amis les plus proches est un bel étalon italien, fêtard et butineur, qui en vient à payer une prostituée à son ami, pour le désennuyer. Prostituée qui sera ensuite engagée pour briser le cœur du narrateur, peut-être serait-ce-là une tactique efficace au malheur. Mais bon, si tout fonctionnait du premier coup, il n’y aurait pas grand intérêt à écrire des livres.

Je m’arrêterai là pour ce qui est de vous décrire les actions, parce que Le Chef-d’œuvre est surtout un livre de langage. Pas de course folle dans une ruelle, pas de braquage de banque ou de road-trip qui fait découvrir le sens de la vie, les échappées et les dérapages se passent ici au niveau du langage qui est pour ainsi dire la soudure du roman, l’élément qui le rend pertinent et intéressant. On ne se cachera pas que le thème de l’écrivain en quête d’inspiration est à prendre avec délicatesse et peut facilement mener au désastre. Mais la langue de Filiatrault (signature personnelle ou essai de passage?) est imagée et enivrante. Heureusement, parce que traverser une quête de malheur dans un livre qui ne compte aucun dialogue aurait pû être décourageant. Mais les divagations colorées du narrateur, d’autant plus qu’elles s’insèrent dans de très courts chapitres, nous font naviguer d’une page à l’autre entre la surprise et la curiosité. L’auteur ne se gêne pas pour écorcher au passage ce qui lui semble plus joli avec des grafignes : les bourgeois, la consommation, les frais-chier du Plateau, l’environnement, name it, ils sont tous là, on peut pas sortir la contestation du gars, qui a étudié en sciences politiques et qui a très certainement déjà lancé quelques roches aux forces de l’ordre. Mais bon, on vieillit, et à défaut de casser des carreaux avec les pavés, on fait ouvrir les portes et les fenêtres à grands coups de mots.
Ce qui, vous en conviendrez, est un pouvoir qui ne s’acquiert qu’en travaillant.

1 commentaire:

rafael ø. a dit…

moi aussi j'ai un premier ami qui a publié un livre récemment.
fred dompierre, 'presque 39 ans, bientôt 100'
j'ai adoré
si la déprime t'intérese.