dimanche 2 novembre 2008

Un froid d'enfer, de Joe R. Lansdale


(Freezer Burn, 1999)
Murder inc, 2001, Folio Policier 2008, 308 p.

Bill est dans une impasse. Depuis que sa mère est morte, il vivote sur les provisions qu'il restait à la maison, des légumes en conserve, pour la plupart, et il a fait la gaffe de ne pas toucher aux betteraves, si bien que maintenant, c'est tout ce qu'il reste. Éprise d'un amour profond pour les chats, sa mère a décidé de léguer tout son argent à une société pour les chats atteints de cirrhose. Bill est sans le sou, essaie comme il peut d'imiter la signature de sa mère pour liquider les chèques qui restent. Il doit se grouiller, cependant, parce qu'après un certain temps, il est inévitable que le cadavre de la mère, toujours dans son lit, finira par puer et alerter les voisins.

Le 4 juillet approche, et Bill flaire le coup qui aidera à le renflouer. De l'autre côté de la nationale, en face de chez lui, se dresse l'un de ces nombreux stands à pétards. Dévaliser une petite cabine retirée, un jour que les ventes auront été bonnes, rien de plus simple. Bill met dans le coup ses amis Fat Boy et Chaplin. Ils utiliseront des fusils, mais juste pour faire peur. Mais quand l'élastique du masque de Bill éclate durant le braquage, et que le vendeur de pétards le reconnaît, Chaplin perd son sang froid et abat le pauvre vendeur.

Le trois imbéciles partiront en fuite dans leur voiture volée et finiront dans un marais après une embardée, suivis par la police. Chaplin, durant l'impact, mourra d'un pétard enfoncé dans l'œil, et Fat boy, lui, perdra la vie sous de nombreuses morsures de serpents. (« Ils m'ont mordu les couilles, Bill, tu dois sucer le venin » « Crois-moi Fat boy, c'est bien pire que tu ne le penses. »)

Ça, c'est l'introduction du livre.

Bill se réveillera ensuite, après s'être endormi dans les marais, avec le visage déformé par de trop nombreuses piqûres de moustiques. Il croisera la route d'un convoi qui se promène d'un bled du Texas à l'autre. Spécialité, les Freaks. Un homme chien, une femme à Barbe, des jumeaux noirs siamois et débiles, des hommes bizarres que l'on appelle têtes d'épingles, des nains, des bocaux de bébés malformés conservés dans le formol, et un frigidaire où repose un homme congelé. Bill est accueilli par le chef de la bande, Frost. Il semble normal, mais on finit par savoir qu'il a une petite main sur le torse. Frost accueille Bill avec chaleur et respect, lui propose de travailler avec eux. Tant qu'il aura l'air de ce qu'il a l'air, il pourra faire partie du spectacle, puis quand il guérira, il pourra faire de menus travaux.

Puis il y a Gidget. La femme de Frost. La seule personne du convoi à ne pas être freak. Mais Gidget sens le sexe à des mêtres à la ronde. Son air désabusé confirme qu'elle n'aime pas sa situation, et chaque fois que Bill essaie de l'approcher, c'est un cuisant échec. Jusqu'à ce qu'il guérisse, et que Gidget s'aperçoive qu'l ressemble à James Dean. C'est à ce moment que Bill sera jeté dans les tourments auxquels fait face celui qui baise la femme de son bienfaiteur.


Dans la tradition des écrits de Harry Crews, Lansdale, nous sert un roman noir et drôle où les ploucs ont la belle part. Rien n'est tabou dans ce roman où personne n'est normal, ou sain. Sous le couvert de l'excentricité, les pires choses peuvent arriver, et le lecteur ne peut s'empêcher de rire devant la mauvaise tournure des choses.

Mais s'il reste fort divertissant, un froid d'enfer manque cependant de rythme. On aurait aimé pouvoir passer le livre avec un rythme comme celui de l'introduction, mais la vie avec les freaks vient ralentir l'histoire. Cette déception est accentuée par l'étiquette « Thriller » que Gallimard ose maintenant apposer sur certains numéros de Folio Policier. À croire que la plus prestigieuse maison d'édition de la francophonie est elle aussi en train de tomber dans le panneau des étiquettes aguicheuses.

(Originalement publié le 29 avril 2008)

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