samedi 1 novembre 2008

La mort et la belle vie, de Richard Hugo




(Death and the Good Life, 1991)
Albin Michel, 10/18, 1997, 268 p.

Richard Hugo a été reconnu une grande partie de sa vie en tant que poète et professeur de littérature. Un professeur de création littéraire apprécié de ses peu nombreux élèves, Hugo a néanmoins passé beaucoup de temps dans la dépression et l'alcool. On lui attribue la fondation de l'école littéraire de Missoula, au Montana, autre terme pour désigner un groupe d'écrivains qui comptait James Crumley (voir critiques précédentes), James Welch et William Kittredge, qui se réunissaient pour aller à la pêche, boire des bières, écouter le baseball à la télé et, j'imagine, parler littérature.

Même si je n'en ai lu que deux du groupe, je n'ai de peine à m'imaginer que leur amour de la nature et des grands espaces et leur respect pour les nations autochtones font en sorte que l'on puisse trouver une école littéraire à Missoula, là où les hivers sont tellement rudes que le taux de divorce y est deux fois élevé qu'ailleurs.

Hugo était un grand amateur de romans policiers, et avec ce roman au titre sublime, il aurait voulu rendre hommage aux grands, comme Hammett, Chandler et Macdonald. Il a ainsi imaginé le personnage de Al Barnes, dit Barnes-la-Tendresse, policier trop doux pour évoluer en ville, et poète trop engourdi pour écrire pour la peine. Barnes se retrouve avec un poste dans le Montana, où il découvre les joies d'être policier dans un patelin où il ne se passe rien. Il tombe en amour pour la première fois à, quarante ans, avec la tenancière du bar local. Il est tout heureux et chaud comme un lapin. Mais lorsque deux crimes à la hache sont perpétrés à quelques jours d'intervalle, Barnes se lance dans une enquête et il n'a aucune idée où ça pourra le mener.

Il n'a pas idée qu'il se retrouvera peu de temps après à enquêter en Oregon parmi les gens riches qui mènent la belle vie. Et quand il se met le nez dans une histoire de meurtre non-résolu vieille de dix-neuf ans, il a intérêt à être pertinent lorsqu'il fait ses rapports par téléphone à Red Yellow Bear, son patron Indien.

La forme du roman et son enquête sont tout ce qu'il y a de plus classique. Des suspects, des questions, des fausses pistes, des chassé-croisés, et tout plein de femmes désirables. Car Barnes la tendresse est un grand amateur de femmes. Pas macho pour un sou, et même s'il est amoureux par-dessus la tête, Barnes se retrouve loin de sa belle Arlène et mène une enquête avec les sens au vif. Et c'est toute cette sensibilité du personnage qui donne au roman ce ton si particulier, malgré une approche conventionnelle. Avec une poésie toute particulière, Barnes décrit le monde qui l'entoure, et pas seulement la nature, avec des réflexions et des comparaisons souvent touchantes, même s'il est en train de parler d'un ascenseur.

Mais cette langue touffue et imagée commence, à mi-parcours, à essoufler le lecteur. Le récit en soi comporte très peu d'écarts à l'enquête et pourtant, on en vient à avoir l'impression de piétiner. Vient un temps où le charme de l'écriture n'opère plus comme au début, et l'on veut des faits en n'étant rassasié qu'à moitié.

Quoiqu'il en soit, Barnes est un superbe personnage et je me plais à imaginer ce qu'aurait peu être, disons, un cinquième roman de Hugo, qui est décédé deux ans après que La Mort et la Belle vie eût été terminé.

Pour d'autres policiers se déroulant au Montana, on pourra se référer aux excellents romans de James Crumley, de qui Hugo s'est sans aucun doute inspiré.

(Originalement publié le 6 février 2008)

1 commentaire:

Le Bouquineur a dit…

Un récit dense avec de nombreuses interactions entre les acteurs, suspects potentiels. Parfois un peu long, mais à l’instant où la question pourrait se poser, l’intérêt rebondit. Certes l’intrigue est quelque peu tarabiscotée, certes il y a ici ou là quelques exagérations mais n’est-ce pas le lot de nombreux polars ? Mais qu’importe, puisque le roman reste palpitant jusqu’au bout. Et puis moi, j’aime bien les polars avec une fausse fin avant l’ultime révélation, comme ici.