dimanche 2 novembre 2008

Je suis un écrivain japonais, de Dany Laferrière




Boréal, 2008, 264 p.

Il y a quelques années, Dany Laferrière déclarait, au grand dam de ses lecteurs, qu'il était fatigué et arrêtait du coup d'écrire des romans, pour se lancer dans une étrange entreprise de réécriture de ses romans déjà existants. Nous l'avons ensuite vu devenir chroniqueur à La Presse, où il prenait position, avec verve et intelligence, sur des sujets de son choix. C'est avec un grand plaisir que nous le voyons mainenant revenir sur le terrain de la création avec ce nouveau roman.

En s'auto-proclâmant écrivain japonais, Laferrière revient en force avec un sujet qui lui a toujours été cher, celui de l'identité. Il est maintenant délicat de définir un écrivain selon sa nationalité, comme nous avons pu le faire depuis le début de l'histoire de la littérature. Ainsi, pourquoi un écrivain ne pourrait-il pas se définir selon la nationalité de celui qui le lit? Seulement, tous ne l'entendent pas de la même façon. Au Japon, où la question identitaire est toujours approchée avec délicatesse, la nouvelle de ce roman à paraître fait tout un tollé. Mais un léger détail doit être pris en considération. Le livre en question n'est pas encore écrit. L'auteur n'en a trouvé que le titre, initiative à laquelle l'éditeur a donné son approbation avec enthousiasme. Le livre s'ouvre d'ailleurs avec une réflexion sur l'importance du titre. Comme quoi ces seuls mots réflètent par eux-mêmes la totalité de ceux que l'on pourra retrouver à l'intérieur du livre. Sans compter que pour la majorité, ce seront là les seuls mots du livre qui seront lus. Le titreur le plus rapide d'Amérique. « C'est bien d'écrire un livre, mais c'est parfois mieux de ne pas l'écrire. » dit Laferrière. Et nous le suivrons, avec tout la paresse et le laisser-aller auquel il a pu nous habituer lors des précédentes lectures, un livre de poésie de Basho à la main, à errer dans le quartier avoisinant le Carré Saint-Louis, celui que Laferrière a habité à l'époque de Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer.

Des dignitaires japonais seront intéressés par le cas de Laferrière, laisseront traîner dans sa boîte aux lettres des magazines japonais et lui proposeront même de lui payer un voyage au Japon. Chose qu'il refuse ardemment. La seule démarche vers le Japon que fera Laferrière, ce sera de s'intégrer à un groupe d'intrigantes japonaises, toutes pendues au cou d'une chanteuse qui s'appelle Midori. Les médias se seront emparés rapidement du phénomène de cet écrivain noir qui se prend pour un japonais, et le Japon sera viré sans dessus dessous suite à un simple titre de roman que l'écrivain ne projète pas particulièrement d'écrire.

Laferrière est hautain et condescendant. Et il a le droit. Il a cette façon toute particulière d'être au-dessus de ses affaires, et le lecteur ne peut qu'en redemander. Mais il y a tout de même certaines limites. Je suis un écrivain japonais, qui s'annonce comme un roman, est en fait une collection de textes de réflexion entrecoupés d'une trame narrative certes très intéressante, mais profondément négligée. C'est un livre qui sent l'écriture au gré du hasard et qui suit une courbe paresseuse.

Bien sûr, Laferrière est toujours intéressant à lire, et vous lisez là les mots d'un lecteur qui a dévoré son œuvre entière avec appétit. Mais j'ai l'impression qu'il faut déjà connaître Laferrière pour aimer Je suis un écrivain japonais, connaître déjà ses divagations, sa propension pour la paresse et ce ton si unique qui ont fait sa renommée. J'ai lu ce livre avec le sentiment que Laferrière l'a écrit vite (c'est lui qui le dit), qu'il ne s'est pas relu outre mesure, et qu'il a été grandement soulagé lorsqu'il l'a terminé (ça, c'est moi qui le dit). Mais bon, n'est-ce pas là la qualité première d'un écrivain que de s'inventer une vie et que les autres y croient?

(Originalement publié le 9 mai 2008)

Aucun commentaire: