samedi 1 novembre 2008

Solea et la Trilogie Fabio Montale, de Jean-Claude Izzo




Gallimard, 1998, 251 p.

C'est avec Solea que se termine la trilogie Fabio Montale, entâmée avec Total Khéops en 1995, suivi de Chourmo en 1996. Au travers de ces trois romans noirs, Jean-Claude Izzo nous fait connaître Fabio Montale, un flic de Marseille qui sera vite démis de ses fonctions, sans pour autant se sortir de la merde. Ses enquêtes tournent toutes autour de la Mafia Marseillaise, du racisme omniprésent dans cette ville cosmopolite, des problèmes de gangsterisme chez les jeunes des cités.

Loin d'être un justicier, Montale est avant tout un humain nostalgique et romantique. Les trois romans voguent dans cette sphère ou règnent les vieux souvenirs, le bon temps passé, les amours perdues. Avant de se lancer dans la police, Montale, avec ses vieux amis Manu et Ugo, s'adonnait à braquer les dépanneurs, les pharmacies. Maintenant que Manu et Ugo ont été descendus par la Mafia et que Lole, celle qui leur brisa le coeur à tour de rôle, est partie loin de son passé, Montale vit seul dans un baraque près de la mer, avec pour seules évasions les terrasses de Marseille, son bateau, et Honorine, sa vieille voisine qui veille sur lui comme une mère.

Montale est le plus beau des paumés, avec sa bouteille de Lagavulin toujours à portée de main, avec cet amour qu'il porte au bon vin, à la nourriture d'Honorine, et à sa ville, Marseille, personnage omniprésent de la trilogie. Marseille et ses lumières, avec son port au sud et ses cités au nord, où convergent Italiens, Algériens, Espagnols, Français et biens d'autres encore. Montale, comme sa ville, évoque un passé trouble mais réconfortant, et fait face à la saleté du présent la tristesse plein les yeux, sans pour autant laisser cette tristesse nuire à ses plans vengeurs.

Les histoires de Montale sont dures, pas de doute là-dessus. Mais on y trouve de grands passages, notamment sur l'amour et l'amitié, que de nombreux romans d'amour arrivent à peine à égaler. Écoutez-ça :

« -- Il a de la famille ?
-- Non, mentis-je, j'étais son seul ami.
Maintenant, il n'y avait plus une seule personne à Marseille que je pouvais appeler. Bien sûr, il restait pas mal de gens que j'aimais bien, comme Didier Perez et quelques autres. Mais aucun à qui je pouvais dire : « Tu te souviens… » L'amitié, c'était cela, cette somme de souvenirs communs que l'on peut mettre sur la table en accompagnement d'un beau loup grillé au fenouil. Seul le « Tu te souviens » permet de confier sa vie la plus intime, ces contrées de soi où règne le plus souvent la confusion. »

Montale navigue sans cesse dans ces contrées denses, seul parmi ses nombreuses amitiés, incapable d'aimer alors que les femmes occupent presque toute sa pensée. Toujours ce désir de tranquilité alors que le destin s'acharne et le pousse hors de son hamac avec vue sur la mer.
Jean-Claude Izzo a créé le personnage policier que j'ai eu le plus de difficulté à laisser aller, jusqu'à présent. Un personnage qui laisse sa marque nonchalante, probablement à l'image de son auteur, décédé en 2000.
Commencer la série avec Solea serait vous faire beaucoup de mal. Allez-y d'abord avec Total Khéops. Si ça vous dit, la trilogie se vend en un seul volume, sous le titre Trilogie Fabio Montale. De grands moments vous attendent.

(Originalement publié le 25 septembre 2007)

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